Accéder directement au contenu

Passage en force confirmé pour les accords de commerce avec le Mercosur et le Mexique

Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou, 3 septembre 2025

À l’ordre du jour de la réunion des commissaires qui se tient aujourd’hui à Bruxelles, la Commission présente l’accord UE-Mercosur (ainsi que celui avec le Mexique) non seulement comme un « accord de partenariat », mais aussi sous la forme d’un « accord commercial intérimaire » distinct. On se souvient que la même stratégie avait été employée pour l’accord UE- Chili.

Un passage en force
Or, selon les procédures européennes, un accord commercial intérimaire ne requiert qu’un vote à la majorité qualifiée au Conseil et une majorité simple au Parlement européen. Les États membres ne disposent donc d’aucun droit de veto, et les parlements nationaux ne pourront pas se prononcer sur le texte.
En procédant de cette manière, la Commission cherche à imposer la ratification par la force. L’accord UE-Mercosur (à l’instar de celui avec le Mexique) avait pourtant été négocié comme un « accord mixte », comprenant à la fois un volet commercial et un volet politique, impliquant par conséquent l’approbation de tous les États membres ainsi que de leurs parlements nationaux. En découpant artificiellement l’accord pour isoler la partie commerciale et la faire passer sous la forme d’un accord intérimaire relevant de la compétence exclusive de l’UE, la Commission contourne sciemment les vetos potentiels de certains États membres.
Si cette manœuvre aboutit, l’accord commercial entrera en vigueur même dans l’hypothèse où le volet politique serait rejeté par un ou plusieurs États membres. Une telle démarche va également à l’encontre des conclusions du Conseil du 22 mai 2018, qui réaffirmaient le rôle central des parlements nationaux dans la ratification des grands accords internationaux (1).

Par ailleurs, pour éteindre les contestations des Etats membres contre l’accord avec les pays du Mercosur, la Commission annonce des dispositions pour renforcer les mesures de protection des agriculteurs. Mais ces mesures ne sont finalement qu’internes à l’UE et n’ont pas fait l’objet d’une renégociation de la clause de sauvegarde avec les pays du Mercosur. (2)

Face à cette tentative de contournement des procédures démocratiques, il revient aux États membres ainsi qu’aux députés européens de s’opposer à cette ratification. En effet, les impacts attendus de l’accord UE-Mercosur, notamment sur la déforestation et l’utilisation des pesticides, compromettraient gravement l’atteinte des engagements internationaux des Etats en matière de climat et de biodiversité (3). C’est pourquoi la compatibilité de l’accord avec le droit européen - notamment les dispositions prévoyant que la politique commerciale européenne doit être conduite conformément aux valeurs et aux engagements en matière de durabilité - doit être examinée par la Cour de justice de l’UE. Il appartient désormais aux parlementaires européens qui avaient exprimé des doutes sur le contenu de l’accord à plusieurs reprises (4) et aux Etats membres, et notamment les plus critiques comme la France et la Pologne de formuler une telle requête à la CJUE.

Notes
(1) “Il appartient au Conseil de décider, au cas par cas, de la scission des accords commerciaux. En fonction de leur contenu, les accords d’association devraient être mixtes. Ceux qui sont actuellement en cours de négociation, comme avec le Mexique, le Mercosur et le Chili, resteront des accords mixtes.” Council of the EU, Draft Council conclusions on the negotiation and conclusion of EU Trade agreements - Adoption, Bruxelles 8 mai 2018, 8622/18

(2) Voir notre analyse de la déclaration unilatérale de la Commission européenne, mise en ligne le 3 septembre 2025, sur la clause de sauvegarde.

(3) Voir notamment :

(4) Voir le paragraphe adopté en avril 2025 dans le cadre du rapport annuel sur la politique étrangère et de sécurité commune : [Le Parlement européen] « prend note de la conclusion de l’accord avec le Mercosur ; exprime sa préoccupation quant à son impact potentiellement négatif sur les normes de durabilité et de sécurité de l’UE et sur la compétitivité du secteur agroalimentaire de l’UE, et souligne que le Parlement doit examiner si l’accord répond aux normes de durabilité de l’UE et respecte le principe de réciprocité, avant que la ratification ne puisse être envisagée »

Voir aussi la Résolution du Parlement européen du 7 octobre 2020 sur la mise en œuvre de la politique commerciale commune, § 36, contenant un amendement indiquant que l’accord ne pouvait pas être ratifié en l’état.

Abonnez-vous à la Newsletter