Les négociations entre les pays de l’UE et du Mercosur, initiées en 1999, ont abouti en 2019 sur un accord de principe sur le volet commercial. De nouvelles négociations ont eu lieu en 2023 et 2024 et le texte final a été publié en décembre 2024. Dans cette note, Canopée et l’Institut Veblen font le point sur les impacts de la mise en œuvre de l’accord sur la déforestation ainsi que sur la réglementation européenne en matière de lutte contre la déforestation. La note analyse aussi la pertinence des garde-fous proposés.
- L’accord UE-Mercosur provoquera une déforestation massive
Alors que les pays du Mercosur sont parmi les pays les plus touchés par la déforestation, la réduction de plus de 90% des droits de douane, la création de nouveaux contingents tarifaires et la suppression des taxes à l’exportation prévus par l’Accord accentuera les exportations de viande bovine et porcine, de volaille, de sucre, de bioéthanol ou de soja et par conséquent, la déforestation. La note souligne que l’accord pourrait provoquer une déforestation initiale de 700 000 hectares, rien que pour la viande bovine, suivie d’une dégradation continue due à la perte de productivité des terres.
- L’accord UE/ Mercosur menace le règlement européen contre la déforestation
L’annexe au chapitre sur le commerce et le développement de l’accord limite les contrôles prévus par le règlement européen contre la déforestation (RDUE) et compromet l’indépendance des autorités de contrôle.
De plus, l’UE s’engage à prendre en compte l’existence de l’accord UE/Mercosur dans l’évaluation du risque de déforestation des pays du Mercosur. Or il est évident, au vu des faibles garanties que propose l’accord, qu’il n’est en rien un indicateur de faible risque de déforestation.
Enfin, le mécanisme de rééquilibrage des concessions prévu par l’Accord pourrait neutraliser le RDUE. Ce mécanisme pourrait dissuader les autorités européennes de faire appliquer pleinement le règlement européen, qui doit entrer en application en décembre 2025. Sur la base des données de 2020 à 2022, le risque que fait peser le mécanisme de rééquilibrage sur la déforestation s’élève à près de 69 000 hectares par an. Ce chiffre est probablement sous-estimé car il prend mal en compte la déforestation indirecte et n’inclut pas le risque de déforestation lié aux importations de bois. Cette déforestation entraînerait l’émission d’au moins 11,8 millions de tonnes de CO2 par an.
- Un simulacre de garde fous
L’engagement des Etats à « mettre en œuvre des mesures, conformément à ses lois et règlementations nationales, pour empêcher une nouvelle déforestation et renforcer les efforts visant à stabiliser ou à accroître la couverture forestière à partir de 2030 » n’a qu’une portée très limitée. Notamment parce que les pays s’engagent uniquement - et de manière non contraignante - à faire respecter leurs lois, alors même que l’impact de la déforestation est le même qu’elle soit légale ou non.
- Il est encore temps de refuser cet accord !
En effet, l’accord doit être ratifié et la procédure complète de ratification qui sera proposée par la Commission européenne n’est pas encore connue. Elle pourrait scinder les volets politique et commercial de l’accord, et ainsi contourner les éventuels vétos d’États membres. Mais quelle que soit la procédure retenue, l’accord pourrait être bloqué s’il n’obtient pas l’approbation du Conseil ou du Parlement européen. Tout dépendra donc des votes des États membres et eurodéputés.