L’Institut Veblen publie une nouvelle note sur les cas récents de différends entre investisseurs et Etats fondés sur le traité sur la Charte de l’Energie (TCE).
En dépit de la sortie de l’UE et de 11 Etats membres, ainsi que du Royaume Uni du TCE, la note révèle que l’accord continue d’être utilisé massivement par les investisseurs : :
- à la fois parce qu’il faut un an pour que la sortie d’une partie devienne effective après la notification
- mais aussi parce qu’en vertu d’une clause dite de survie, les investissements protégés à la date de sortie le restent pendant 20 ans. Et que les Etats qui sont sortis à ce jour n’ont rien entrepris pour neutraliser au moins entre eux cette clause.
Depuis la finalisation des négociations pour la modernisation du traité, 24 nouveaux cas ont été officiellement enregistrés.
- Les États membres de l’UE (ou l’UE elle-même) sont défendeurs dans 20 des 24 affaires.
- Les investisseurs sont originaires d’un État membre de l’UE dans 14 cas, et du Royaume-Uni dans 8 cas.
- La moitié des cas (12) sont des affaires intra-européennes, impliquant au moins un investisseur d’un État membre de l’UE contre un autre État membre de l’UE. Pourtant, en 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que de tels litiges intra-UE sont incompatibles avec le droit européen.
- 16 affaires concernent des activités liées aux investissements dans les énergies fossiles. (8 sont décrites plus en détail dans l’annexe).
C’est pourquoi, l’Institut Veblen invite la France et les autres parties qui sont sorties du TCE à élaborer un accord pour désamorcer la clause de survie du TCE et à revisiter les autres traités bilatéraux auxquels ils sont parties et qui contiennent des dispositions tout à fait similaires au TCE et incompatibles avec l’accord de Paris.
Notes
Le Traité sur la Charte de l’Energie (TCE) est le traité d’investissement qui a généré le plus de différends entre investisseurs et Etats.
Malgré les efforts de modernisation engagés dès 2009 – ayant abouti à un accord de principe en juin 2022 puis à une adoption formelle en décembre 2024, le traité reste non aligné avec l’Accord de Paris, selon le Haut Conseil pour le Climat et le Comité britannique sur le changement climatique.
En 2022, le parlement européen a qualifié le TCE d’instrument obsolète faisant obstacle aux ambitions climatiques de l’UE. En 2023, la Commission européenne a affirmé que le TCE était incompatible avec des initiatives comme la loi européenne sur le climat, et a proposé un retrait coordonné de l’UE du traité. Cette proposition a été adoptée par le Parlement européen le 11 avril 2024 et a reçu le feu vert final du Conseil le 30 mai 2024.
Parallèlement, plusieurs États ont déjà formellement quitté le TCE ou annoncé leur intention de s’en retirer : la France, l’Allemagne, la Pologne, le Luxembourg, le Portugal, la Slovénie, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et le Danemark ont acté leur retrait, tandis que l’Irlande et la Lituanie ont manifesté leur volonté de le faire.
Enfin, depuis l’adoption formelle du traité modernisé le 3 décembre 2024, le Secrétariat international pourrait relancer le processus d’expansion géographique du traité, suspendu durant la phase de modernisation.