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L’ingéniosité de notre époque en matière de consommation rappelle la Complainte du progrès de Boris Vian, et l’on serait tenté de rallonger la liste avec un bac à œufs connecté ou encore des pommeaux de douche karaoké. Parler d’une surconsommation déconnectée des besoins humains est forcément un parti pris normatif, mais c’est une normativité salutaire face aux cycles de production et de consommation de plus en plus courts, à l’image de l’essor de la fast-fashion ou de la « fast-déco » qui orientent la consommation dans un sens de plus en plus insoutenable, en détruisant au passage les modèles économiques plus anciens. Les quantités de vêtements, le nombre d’appareils ménagers, d’écrans, d’heures passées sur Internet ne font qu’augmenter. Les achats sur les plateformes de vente en ligne ont explosé. Rien qu’entre 2022 et 2024, le nombre de petits colis en provenance de Chine a doublé, pour atteindre 800 millions.
Cette surconsommation ne relève pas seulement d’excès personnels, elle traduit des déséquilibres économiques, écologiques et culturels profonds, qui structurent nos sociétés et font de l’abondance une norme plus qu’un choix.
Sur le plan économique, elle résulte d’un modèle fondé sur la croissance continue et la stimulation permanente de la demande, le raccourcissement de la durée de vie des produits, la proposition permanente de nouveautés. Sur le plan écologique, elle marque le dépassement des limites planétaires, le rythme d’exploitation des ressources et de production de déchets excédant largement les capacités de régénération de la biosphère. Sur le plan social et culturel enfin, elle reflète l’imaginaire du progrès et du bien-être lié à l’abondance matérielle, souvent au prix d’un sentiment d’insatisfaction chronique, dans un système tiré par la consommation des plus riches. Déjà analysée par Thorstein Veblen au tournant du XXe siècle, la consommation ostentatoire de biens et services chers permet aux classes les plus aisées de se distinguer, de définir ce qu’est la réussite, et forge ainsi les aspirations des autres couches de la société. Le phénomène s’est amplifié, accéléré et prend aujourd’hui la forme de SUV suréquipés, de croisières autour du monde, de friteuses sans huile ultraconnectées.
Malgré les prises de conscience successives et les scandales qui s’accumulent, le « citoyen-consomm’acteur » peine à résoudre ses propres contradictions, et les politiques publiques nourrissent les injonctions contradictoires, poussant à une consommation peut-être plus vertueuse, mais à une consommation quand même. Même dans le domaine de la seconde main, la surconsommation fait des ravages et vient alimenter le consumérisme effréné.
Le constat posé dans ce numéro de L’Economie politique est ainsi limpide : si nous consommons trop et bien au-delà de nos besoins, c’est avant tout sous l’effet d’une offre toujours plus abondante, et c’est l’offre qu’il faut changer en priorité.
L’Economie politique  est publiée en commun par l’Institut Veblen et le magazine Alternatives Economiques. Plus qu’une revue, c’est un laboratoire d’idées et un collectif intellectuel inséré dans la société civile française et européenne. Sa mission est d’animer le débat public sur les politiques économiques, de décrypter la réalité et de contribuer à la recherche de réponses à la crise social-écologique du XXIe siècle.
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