Alors que l’acétamipride est interdite d’utilisation en France depuis 2018, elle reste autorisée au niveau européen jusqu’en 2033. La loi « Duplomb » de juillet 2025 proposait sa réintroduction, faute d’alternatives et face aux distorsions de concurrence intra et extra-européennes générées pour les producteurs français. Le Conseil constitutionnel a invalidé cette mesure la jugeant contraire à la Charte de l’Environnement.
Dans ce contexte, les producteurs français s’interrogent sur les solutions pour les protéger de ces distorsions de concurrence avec des produits traités avec des pesticides interdits en France, mais autorisés dans des pays qui exportent vers le marché français, comme c’est le cas avec l’acétamipride depuis 5 ans (1).
Par exemple, dans le cas de la noisette, il existe des distorsions réglementaires intra-UE.
- L’acétamipride est homologué sous dérogation d’usage pour la noisette en Italie et en Espagne.
- Le chlorantraniliprole interdit sur la noisette en France et en Italie est autorisé en Espagne.
Il existe des distorsions réglementaires extra-UE :
- Pour lutter contre le balanin et la punaise diabolique, les producteurs en Turquie disposent de 12 substances actives (dont l’acétamipride), dont la moitié est interdite en UE.
- Aux États-Unis, sur les 38 substances actives disponibles (dont l’acétamipride), 14 sont interdites dans l’UE.
Face à l’option d’harmonisation des normes par le bas, il existe une voie pour concilier préoccupations économiques, environnementales et de santé publique. Une réponse politique en trois temps est nécessaire pour protéger nos capacités de production locales et refuser d’abaisser nos exigences environnementales.
1. Adopter une mesure de sauvegarde à l’échelle nationale.
Les études scientifiques sur l’impact potentiel sur la santé de l’acétamipride seraient suffisantes pour réunir les conditions des articles 53 et 54 du règlement 178/02 de 2002 et interdire l’importation, en France, de produits traités avec cette substance. La France avait pris une décision similaire en 2016 pour les cerises traitées au diméthoate, alors autorisé au sein de l’UE. Cette sauvegarde est restée en vigueur 3 ans et a débouché sur une interdiction européenne en 2019.
2. Défendre et obtenir l’interdiction de l’acétamipride au niveau européen.
Une mesure de sauvegarde française sur les importations de produits traités à l’acétamipride pourrait, comme ce fut le cas pour le diméthoate, pousser l’UE à réévaluer la substance et aboutir à un non-renouvellement de son autorisation.
3. Appliquer cette interdiction aux produits importés depuis les pays tiers.
Une interdiction de l’acétamipride reposant sur un objectif de protection de la santé ou de la biodiversité peut s’étendre aux importations via une mesure miroir. Pour être conforme au droit de l’OMC, cette mesure devra effectivement poursuivre cet objectif d’intérêt général et rester proportionnée à la réalisation de cet objectif.
L’UE pourrait aller plus loin que le simple abaissement des LMR. Un tel abaissement n’interdit pas toujours l’usage des substances et les contrôles sur les produits finis ne sont pas efficaces sur tous les produits (fruits à coque notamment) et méthodes de production. Il est donc nécessaire, parfois, de contrôler également les processus de production et d’interdire l’utilisation des substances à l’image de ce que l’UE fait depuis 1988 pour ses importations de viandes “sans hormone”.
Notes
(1) Après l’interdiction en 2018, la France a fait usage de dérogations pour continuer à utiliser la substance jusqu’en 2020 pour la noisette.