Dans le Pacte vert pour l’Europe présenté fin 2019, l’UE a posé pour objectif la neutralité climatique de l’Union d’ici 2050 ainsi qu’une “croissance économique dissociée de l’utilisation des ressources”. Plusieurs textes législatifs clés ont été adoptés et sont désormais à mettre en œuvre de façon effective. Mais plusieurs grands chantiers restent en cours, et d’autres ont été revus à la baisse, notamment dans les domaines de l’agriculture et de la protection de la biodiversité.
Pour réaliser les objectifs affichés dans le Pacte vert, l’UE a, durant le mandat 2019-2024, mobilisé le levier de la politique commerciale et a commencé à s’attaquer au différentiel de normes de production entre produits européens et produits importés avec l’instauration de mesures miroirs. Ces mesures intégrées à la législation européenne conditionnent l’accès au marché de l’UE au respect de certaines normes européennes essentielles en matière de durabilité, d’environnement, de santé, ou de bien-être animal notamment.
Si certaines mesures de ce type existent de longue date, essentiellement dans le secteur de l’agriculture, elles restaient isolées. Le Pacte vert a amorcé un changement de paradigme comme en témoigne l’adoption du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, du règlement sur la déforestation importée ou encore du règlement sur les résidus de néonicotinoïdes.
Ce rapport, actualisation d’une note publiée en septembre 2023, dresse un état des lieux des mesures miroirs existantes prises dans différents secteurs économiques dans le contexte du Pacte vert pour l’Europe. Il identifie d’autres politiques et législations sectorielles dans lesquelles de telles mesures pourraient être adoptées durant le mandat européen 2024-2029 pour tenir nos engagements internationaux en matière de durabilité et renforcer notre autonomie stratégique.
Le contexte actuel marqué par de nombreux reculs réglementaires (report de l’entrée en vigueur du règlement sur la déforestation importée ; première proposition législative dite « omnibus », notamment sur la directive devoir de vigilance) interrogent sur la solidité du cap environnemental tracé par l’UE et par ricochet sur la volonté réelle de l’UE de déployer des mesures miroirs. La révision à la baisse de l’ambition sur ce volet dans la préparation de la vision pour l’agriculture, présentée par le Commissaire Hansen le 19 février 2025 témoigne de cette ambivalence ; tout comme la présentation concomitante le 26 février d’un Clean Industrial deal et de propositions de démantèlement de plusieurs législations clés du Pacte vert.
Recommandations
- Clarifier que nos objectifs de décarbonation et de protection de la biodiversité s’appliquent aussi aux produits importés pour notre consommation et fixer une trajectoire claire de réduction de l’empreinte carbone et de l’empreinte pesticides de l’UE. Une cible d’empreinte carbone devrait être intégrée dans la proposition législative qui sera présentée en juillet 2025 par la Commission visant à inscrire un objectif 2040 dans la loi climat.
- Engager une réflexion systématique sur la pertinence et l’utilité d’une section dédiée au traitement des biens et services importés pour chaque grand texte européen (dans les études d’impacts, les consultations et l’élaboration des propositions législatives).
- Clarifier les compétences et renforcer les moyens de contrôle du respect des normes environnementales et sanitaires sur les produits importés.
- Faire évoluer la nomenclature douanière pour faire apparaitre certaines distinctions des produits selon leurs méthodes de production, par exemple les produits issus de l’agriculture biologique, les produits recyclés, l’acier vert ou les produits fabriqués avec de l’acier vert.
- Mettre en œuvre de façon effective la mesure miroir sur les médicaments vétérinaires dans l’élevage et élargir cette règle de manière à couvrir les antibiotiques considérés comme des additifs alimentaires.
- Baisser à court terme les limites maximales de résidus (LMR) au seuil de détection pour l’ensemble des pesticides interdits dans l’UE, en raison de leur dangerosité en étendant l’usage de cet instrument à l’ensemble des productions agricoles (en particulier les cultures destinées uniquement à l’alimentation animale, aux usages énergétiques ou ornementaux). Sur le moyen terme, adopter une approche d’interdiction totale d’importation pour les produits traités avec des pesticides interdits dans l’UE.
- Bannir la production dans l’UE pour l’exportation des pesticides (et des substances qui les composent) interdits dont l’usage est interdit dans l’UE en raison de leur dangerosité pour la santé ou les écosystèmes.
- Adopter de nouvelles règles ambitieuses sur les systèmes alimentaires durables, le bien-être animal et l’écoconception des produits incluant des mesures miroirs.