L’objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN), l’une des ambitions environnementales phares de la loi Climat et Résilience de 2021, est de nouveau mis en péril par une proposition de loi sénatoriale visant à supprimer le ZAN, au profit d’une « Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée avec les Élus locaux » (Trace).
Dès son adoption, le ZAN a généré de multiples tensions avec les collectivités territoriales. Cet objectif impose pour la première fois aux collectivités une cible de réduction de l’artificialisation des sols : ces dernières sont tenues de réduire de moitié le rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie précédente, afin d’atteindre une absence d’artificialisation nette des sols en 2050. Cet objectif, qui limite les capacités d’expansion foncière des élus locaux, a suscité de vives réactions dans les territoires. Pour apaiser ces tensions, le Sénat a lancé une première réforme législative du ZAN, dite loi ZAN II, qui accorde de nombreux assouplissements pour faciliter la mise en œuvre de l’objectif . Mais loin d’apaiser les tensions avec les collectivités, cette première réforme a ravivé la fronde des élus locaux, et amené le Sénat à se saisir, une nouvelle fois, du dossier ZAN.
La seconde proposition de réforme du ZAN déposée en novembre 2024, dite Trace, revient plus substantiellement sur l’ambition environnementale de cet objectif. Elle vise, selon le sénateur Centriste Guislain Cambier, à remplacer définitivement « un acronyme qui […] était devenu un repoussoir pour trop d’élus locaux » . Ce texte entérine la suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de 50 % de la consommation d’ici 2031, remplacé par des trajectoires tendancielles librement fixées par les régions. Il revient également sur la définition de l’artificialisation des sols, qui n’est plus entendue comme l’altération des fonctions écosystémiques des sols, mais comme la simple consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (enaf).
Les révisions successives portées par le Sénat pour affaiblir la portée écologique du ZAN contrastent avec le soutien citoyen fort dont bénéficie cet objectif. Issu des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le ZAN continue d’être l’un des objectifs environnementaux les plus massivement soutenus dans l’opinion publique. Une récente enquête IPSOS montre que 87 % des Français sont favorables au maintien de l’objectif ZAN et que cette adhésion est largement transpartisane . Comment expliquer, dans ce contexte, l’obstination des décideurs publics, guidés par le Sénat, à affaiblir la portée de ce dispositif ? Quels objectifs concurrents sont avancés pour justifier le détricotage du ZAN et quelles en seraient les alternatives ?