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A quand la fin des importations de viandes issues d’animaux dopés aux antibiotiques activateurs de croissance ?

Par Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou

4 juin 2024

Dans cette nouvelle étude, l’Institut Veblen passe au scanner la mesure miroir sur les antibiotiques promoteurs de croissance.

Depuis le 1er janvier 2006, il est interdit en UE d’utiliser les antibiotiques comme activateurs de croissance en élevage. Pour lutter, d’une part, contre l’antibiorésistance et, d’autre part, contre la concurrence déloyale imposée aux éleveurs européens, l’UE a étendu, dans le règlement UE 2019/6, cette interdiction aux opérateurs des pays tiers exportant des animaux ou des produits d’origine animale vers l’UE.

L’antibiorésistance désigne la faculté des bactéries à résister aux antibiotiques. Ce phénomène résulte de l’usage irraisonné des antibiotiques, usage qui entraîne l’émergence de résistances bactériennes par le biais de mécanismes qui se transmettent par l’environnement ou l’alimentation vers l’être humain ou l’animal.

A l’échelle planétaire :

  • 1,2 million de personnes dans le monde meurent chaque année des suites d’infections générées par des agents microbiens résistants à tous les antibiotiques actuels.
  • 24,1 millions de personnes potentiellement entraînées dans l’extrême pauvreté, principalement dans les pays en développement.
  • 10 millions de vies menacées à horizon 2050.

L’UE importe chaque année plusieurs centaines de milliers de tonnes de viandes issues d’animaux traités aux antibiotiques activateurs de croissance. Alors que cette pratique est interdite en UE depuis 2006, ce n’est pas le cas dans les principaux pays producteurs et exportateurs de viandes vers l’UE (par ex. le Brésil, l’Ukraine et la Thaïlande). Ces importations sont par ailleurs encouragées par les accords de libre-échange. C’est le cas par exemple de l’accord avec les pays du MERCOSUR qui prévoit un quota supplémentaire d’importation annuel à droits de douane nuls de 180 000 tonnes pour la volaille sud-américaine, principalement en provenance du Brésil.

La mesure miroir “médicaments vétérinaires” adoptée dans le règlement 2019/6 comporte des lacunes et est encore loin d’être effective :

  • Tout d’abord, elle ne concerne que les antibiotiques considérés comme médicaments et non comme additifs. Elle ne couvre ainsi qu’une part infime des usages des producteurs des pays tiers qui exportent leurs viandes vers l’UE.
  • En 2024, elle n’est toujours pas appliquée. Un premier règlement délégué censé définir les conditions de mise en œuvre a été publié le 27 février 2023 (alors qu’il aurait dû être adopté avant le 28 janvier 2022). Ce règlement exige que les produits animaux importés soient accompagnés d’un certificat officiel de conformité avec l’interdiction prévue par le règlement 2019/6. Ces produits doivent en outre provenir d’un pays tiers ou d’une région de pays tiers figurant sur une liste de pays tiers agréés. Le règlement renvoie à des actes d’exécution ultérieurs le soin de préciser ces deux conditions. Le premier acte d’exécution (publié seulement 29 janvier 2024) prévoit l’obligation pour les opérateurs des pays tiers de remplir une auto-déclaration attestant que les viandes répondent à l’interdiction fixée par la règlementation européenne. Cette obligation n’entrera en vigueur qu’à compter du 3 septembre 2026. Et elle doit encore être complétée par un acte d’exécution supplémentaire définissant la liste de pays tiers agréés à exporter leurs produits animaux vers l’Union européenne.
  • Enfin, la mise en œuvre effective de la mesure miroir se heurte à l’insuffisance des contrôles et l’absence de mesures de protection en cas de défaillances constatées, comme en témoigne le précédent relatif aux hormones de croissance. La Commission européenne avait en effet diligenté plusieurs audits dans la filière canadienne de viande bovine estampillée sans hormone, en parallèle des négociations commerciales du CETA. L’audit de 2019 a révélé de lourdes « défaillances » dans le contrôle de la traçabilité du bétail et conclut que le système actuel « n’est pas en mesure d’apporter la garantie que seuls les établissements pleinement conformes continuent à figurer sur la liste des établissements autorisés à exporter vers l’UE ». Des lacunes similaires avaient déjà été identifiées en 2014 et en 2022. Mais la Commission n’avait pris aucune décision pour imposer au Canada la prise de mesures correctives.

C’est pourquoi l’Institut Veblen formule trois propositions pour des importations européennes de viandes garanties « zéro antibiotiques de croissance.

PROPOSITION N°1 – Une mesure miroir qui couvre tous les usages des antibiotiques : médicaments vétérinaires ET additifs pour l’alimentation animale.

PROPOSITION N°2 – La structuration de filières « 0 antibiotique de croissance » dans les pays tiers, directement contrôlées par la Commission européenne.

PROPOSITION N°3 – En cas de défaillance identifiée au cours d’un audit, une suspension systématique des importations jusqu’à ce que des mesures correctives aient été mises en œuvre par le pays tiers concerné.

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