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Assujettir les accords de commerce aux engagements climatiques et environnementaux

Par Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou

20 juin 2023

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Alors que l’UE encourage les États membres à ratifier une nouvelle série d’accords de commerce, notamment à l’occasion du sommet UE-CELAC de mi juillet 2023, l’Institut Veblen examine dans cette note le degré d’alignement de ces accords avec les engagements internationaux en matière de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement. L’Institut formule plusieurs propositions concrètes pour avancer dans ce domaine.

Le commerce ne peut plus être considéré comme une fin en soi sans égard pour ses impacts négatifs sur le climat et la biodiversité. Les principes actuels du commerce international, en facilitant la production et les échanges de produits polluants, contribuent au développement d’un modèle économique non soutenable. En parallèle, les concessions auxquelles les États consentent dans les accords commerciaux limitent significativement leur capacité d’agir face à l’urgence climatique et environnementale .

Si l’UE prétend avoir mis sa politique commerciale au service du développement durable avec l’intégration de chapitres « commerce et développement durable » dans ses accords bilatéraux, les engagements qu’ils contiennent et leur mise en œuvre sont restés insuffisants en raison de leur champ d’application, de leur portée et leur effectivité limités.

De nouvelles évolutions ont été amorcées à travers le réexamen de la politique commerciale de 2021 et la nouvelle stratégie en matière d’accords commerciaux de 2022. La Commission propose notamment de faire du respect de l’accord de Paris une "composante essentielle des accords de commerce et d’investissement futurs” ou encore d’“’étendre la possibilité d’appliquer des sanctions commerciales aux cas de manquements aux obligations portant substantiellement atteinte à l’objet et à la finalité de l’accord de Paris sur le changement climatique ou aux cas graves de non-respect des principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT”.

Ces engagements marquent incontestablement une évolution mais ils ne vont pas encore suffisamment loin et ils ne sont de toute façon pas mis en œuvre dans les accords finalisés avec le Mexique, le Chili ou les pays du Mercosur. C’est pourquoi l’Institut Veblen présente dans cette note une série de propositions, basées sur une logique de conditionnalité, en vue d’engager un véritable changement de paradigme dans la politique commerciale

Dans les accords commerciaux bilatéraux de l’UE, il est proposé notamment :

d’élever de manière effective la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement au rang d’éléments essentiels.

de conditionner le bénéfice des préférences tarifaires au respect de critères de durabilité pour les produits sensibles d’un point de vue environnemental et climatique.

Les principes fondamentaux du système commercial multilatéral de l’OMC devraient également être interprétés, voire révisés, de manière à autoriser les États à discriminer légitimement des produits sur la base de la durabilité de leurs procédés de production.

Le volet protection des investissements reste en parallèle un chantier à part entière. Les accords renégociés avec le Chili ou le Mexique prévoient ainsi de protéger les investissements fossiles et ne sont pas en ligne avec l’approche de la Commission européenne à l’occasion de la modernisation du Traité sur la Charte de l’Énergie et de la résolution du Parlement européen de juin 2022 sur le sujet.

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