Vérités et mensonges du discours économique. En hommage à Bernard Maris
Il est commun d’ironiser sur la qualité des prévisions formulées par les économistes. Faut-il vraiment le leur reprocher ? Non. Car, à la différence des sciences dites exactes, où la même expérience peut-être renouvelée, l’économiste peut au mieux repérer des régularités, observer comment les choses se sont déroulées hier et quand il prévoit l’avenir, c’est toujours en prolongeant les tendances passées. Les hommes font l’histoire, ils ne savent pas l’histoire qu’ils font, comme le disait Raymond Aron. On peut faire la même observation pour l’économie, qui s’attache à expliquer une matière avant tout sociale et historique. On ne peut prévoir avec certitude ce que seront demain les comportements humains.
Sur ces bases, le premier grand reproche qui peut être fait au discours économique dominant, c’est de prétendre pouvoir dire quel temps qu’il fait ou fera demain avec autorité, quitte à expliquer avec la même autorité, après que la réalité l’ai contredit, pourquoi ça ne s’est pas passé comme prévu.
Est-ce à dire que la science économique n’aurait aucun pouvoir prédictif ? Evidemment non. En pratique, la capacité des économistes à bâtir des scénarios plausibles varie également selon les faits et hypothèses qu’ils retiennent. Ainsi, certains économistes critiques avaient parfaitement prévu la crise des subprime à l’inverse de la vulgate dominante. Pour autant, si leurs prévisions se sont révélées justes a posteriori, ils n’étaient pas non plus en situation de dire exactement quand et où la crise se déclencherait, et il a fallu un enchainement spécifique de comportements humains en partie imprévisibles pour qu’elle prenne la dimension qui a été la sienne. C’est pourquoi, quand un économiste est sage, ce qui est assez rare avouons-le, il devrait exprimer toujours de nombreuses réserves sur la validité des prédictions qu’il formule.
En pratique, les économistes s’efforcent néanmoins de concevoir des modèles qui rendent compte de la réalité et qui leur permettent de prédire l’évolution probable de l’économie. A cette fin, ils observent les relations qui s’établissent entre différents variables – consommation, investissement, revenus, fiscalité, commerce extérieur, etc. – et construisent un outil mathématique destiné à reproduire la dynamique de l’économie. La modélisation se révèle utile quand elle permet d’éclairer les choix politiques en contribuant à évaluer les effets de telle ou telle décision ou en permettant à ceux qui nous gouvernent d’utiliser les leviers de la politique économique de manière anticipée afin d’influer sur la marche de l’économie dans le sens souhaité. Elle trouve cependant vite ses limites, car le comportement des acteurs ne se reproduit jamais parfaitement à l’identique et elle exclut nécessairement un grand nombre de facteurs qui vous venir perturber la réalité. Les modèles, par nature, reposent toujours sur une hypothèse de fixité de toutes les variables qu’ils n’intègrent pas : la plupart des économistes travaillent " toutes choses égales par ailleurs". C’est pourquoi les faits viennent régulièrement contredire les prévisions même les plus sophistiquées.
Une science sociale parée des vertus de la mathématique
Tout le problème vient d’ailleurs quand le recours à l’outil mathématique se transforme en un artifice destiné à assimiler l’économie à une science dite exacte. Or, la vérité qu’apporte la mathématisation se limite à la vérité de la mathématisation elle-même. Elle ne valide en rien les hypothèses des modèles, ni les statistiques qui le nourrissent. Elle tend à passer à la trappe la dimension sociale, historique et donc politique de la discipline et encourage toutes les dérives.
Un article récent a ainsi montré que près de cinquante pour cent des articles publiés dans les revues économiques les plus prestigieuses sont fondés sur des séries statistiques souvent introuvables, ou très contestables, les faits venant contredire la thèse défendue étant passé à la trappe. Et il a fallu qu’un étudiant plus curieux que les autres recherche les données qui fondaient le célèbre article de Kenneth Rogoff et Carmen Reinhardt, respectivement professeurs à Harvard et à l’Université du Maryland, qui établissaient que tout pays dont le niveau de dette publique dépassait les 90 % du PIB était condamné à une croissance faible et durable, pour s’apercevoir que les séries retenues par les deux auteurs étaient tronquées et qu’en rétablissant les faits, on obtenait des résultats bien différents. On peut ainsi dire, en utilisant la langue officielle de l’économie qu’est l’anglais « garbage in, garbage out ». Dit plus clairement, si vous mettez des déchets dans votre modèle, il produira des déchets…
On dira que les économistes ne sont pas les seuls chercheurs à ne prendre en compte que les faits qui les intéressent... Il serait d’ailleurs injuste de réduire les économistes à des sortes de charlatans utilisant l’outil mathématique pour masquer leur incompétence comme le faisaient les médecins de Molière avec leur latin de cuisine. Les interrelations entre les faits qu’étudient les économistes sont complexes, et comprendre l’économie suppose de maîtriser un ensemble de connaissances techniques étendues.
C’est d’ailleurs tout le problème : nombre de nos concitoyens affirment "ne rien comprendre à l’économie" et ne pas s’y intéresser, alors que son importance est telle qu’il serait hautement souhaitable que chacun puisse s’en saisir afin que les choix économiques soient placés au cœur du débat démocratique. L’économie est de fait à la fois très technique, très complexe et, dans le même temps, derrière les courbes, derrière les termes techniques, c’est de nos emplois, de nos revenus, de nos retraites, de notre monnaie, de notre bien-être dont il est question. D’où l’ambiguïté de la posture de l’économiste, tour à tour, universitaire, conseiller du prince ou des décideurs économiques et financiers, ou encore pythie au service des médias.
Une parole d’autorité qui ferme l’espace du débat
D’où le statut profondément problématique de son discours : les réalités qu’il étudie sont au cœur de notre vie collective, elles devraient donc être constamment mises en débat. Mais parce qu’il traite d’une matière complexe et dispose d’une réelle expertise technique, il se voit reconnu comme un scientifique énonçant une parole incontestable, alors que les recommandations qu’il formule reflètent toujours, au moins pour partie, ses propres préférences personnelles, et que, lorsqu’il décrit le champ des contraintes dans lequel nous sommes placés, il tend à leur donner donnant l’apparence de la nécessité. Ce faisant, il ferme l’espace où le débat public devrait pouvoir se déployer.
Les limites de la vérité et du mensonge dans le discours des économistes est donc d’autant plus floue que leur discipline n’est pas seulement une discipline académique ayant vocation à expliquer la réalité mais aussi une technique au service des décideurs et un discours susceptible d’influer sur les comportements de ceux qui l’écoutent. L’économiste peut ainsi formuler des prophéties en partie autoréalisatrices. Sans exagérer le pouvoir de la parole, il tend à faire que l’économie aille mieux quand il dit qu’elle va mieux, en contribuant à créer les conditions de la confiance.
Du coup, le discours économique entretient un rapport complexe au politique : il se défend d’en faire, alors qu’il est au cœur même de ce qui fait son objet : le discours des économistes ne consiste-t-il pas à nous expliquer, à longueur de temps, ce qui est possible et, serait-on tenté de dire, surtout ce qui ne l’est pas ! Soyons clair : les contraintes sont une réalité, non pas comme contraintes absolues, mais comme effets induits de telle ou telle décision. De fait, le discours des économistes dominants pare trop souvent de l’apparence de la nécessité l’acceptation du monde tel qu’il est - l’économiste parle alors de "contraintes incontournables" – sachant que cette acceptation du monde ne lui interdit pas de nous inviter à mieux nous adapter - l’économiste parle alors de la nécessité de conduire des "réformes courageuses". En clair, flexibiliser encore plus l’emploi, ou réduire le champ de la protection sociale. Heureusement, le corps social résiste et oppose lui aussi sa propre contrainte aux politiques qui seraient tentés de suivre les conseils que leur distillent les économistes.
Au final, le discours économique objective très souvent le discours politique quand celui-ci affirme mener "la seule politique possible" ou répète qu’’’il n’y a pas d’alternative". Or, il y a toujours des choix possibles, en matière économique, des choix qui sont aussi, et toujours, des choix sociaux, des choix politiques.
Economistes et médias
Dans ce contexte, on peut reprocher à nombre d’économistes, quand ils interviennent dans les médias, de préférer mettre en avant leurs activités d’enseignement ou de recherche plutôt que d’annoncer la couleur sur l’origine principale et le montant de leurs revenus. Quand un économiste qui partage son temps entre ses charges d’enseignement dans une université et ses fonctions de conseil au sein d’une grande banque s’exprime dans les médias sur la régulation de la finance, on est en effet en droit de se demander s’il le fait avec le souci de protéger les intérêts de la banque qui l’emploie ou avec celui de mettre ses compétences au service de ses concitoyens.
On ne peut interdire aux économistes d’avoir des activités professionnelles autres que leurs engagements académiques. Cela leur apporte souvent une connaissance bien plus fine des faits qu’ils étudient. De fait, en France, la plupart des économistes qui alimentent le débat public sont bien souvent aussi ceux qui s’impliquent dans la vie économique. Reste qu’on peut dès lors les soupçonner d’être sous influence, comme a pu les en accuser le journaliste Laurent Mauduit dans son livre « Les imposteurs de l’économie », paru en 2012. A dire vrai, je ne pense pas que les experts économiques soient " vendus au système ", même s’ils en tirent profit, ils lui sont tout simplement acquis. Les économistes les plus présents dans les médias pensent en effet que l’économie de marché telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, en dépit de ses défauts, est la seule voie possible. Ce qui n’interdit pas de la réformer à la marge ou de vouloir corriger ses travers, mais à la marge, sans changer ses fondamentaux. Cette proximité de vues, cette communauté de croyances, explique qu’ils récusent les soupçons de conflit d’intérêts dont on les accuse et qu’ils tiennent en toute bonne foi le discours normalisateur qui est le leur.
L’enjeu majeur, pour la qualité de notre vie démocratique, est plutôt d’assurer un véritable pluralisme de l’expertise. Les économistes de banque, ou liés aux banques, pèsent aujourd’hui d’un poids trop important dans le discours public sur l’économie. L’existence de l’OFCE, créée à l’initiative de Raymond Barre, concourt au pluralisme. Certains chercheurs, à l’Ecole d’économie de Paris, contribuent également au débat public. Ainsi que quelques think tanks, cependant trop souvent financés par les grandes entreprises… Mais tout cela ne suffit pas. Il faudrait aller plus loin et multiplier les lieux où une parole experte et réellement indépendante puisse être produite.
Le discours convenu tenu par une large majorité des économistes est d’autant plus problématique qu’il est peu questionné par ceux dont ce devrait être le travail : les journalistes. Pour des raisons qui tiennent là encore à la complexité du discours économique, l’économie est soit peu traitée dans les médias, soit confiée à des journalistes spécialisés qui, trop souvent, reproduisent les mêmes discours standards et sont là encore trop souvent, prisonniers des mêmes conflits d’intérêts que les experts, du fait des intérêts défendus par les médias qui les emploient, ou des « ménages » qu’ils assurent et qui leur permettent d’arrondir leurs revenus de manière significative.
Le plus souvent cependant, les journalistes en charge de l’économie n’ont qu’une faible expertise et laissent donc la parole aux experts, faute de vouloir ou d’avoir le temps de travailler suffisamment les sujets pour se forger leur propre opinion. Qu’importe alors ce que dit l’expert requis, du moment que c’est un bon client qui fait clair et court. Et il n’est pas question de mettre sa parole en débat, d’interroger un autre expert dont l’opinion serait différente. L’économie, cela ne de discute pas ! Ou sinon, un jour par semaine maximum, comme c’est le cas sur France Inter le vendredi matin, Dominique Seux, journaliste aux Echos, journal patronal et donc très probusiness mais aussi désormais engagé politiquement à droite, ayant seul voix au chapitre, sans être contredit, du lundi au jeudi… ce qui signifie concrètement que la parole dominante sur l’économie occupe 90 % du temps de parole hebdomadaire dans le 7/9 de la radio publique. Ce qui est mieux, il est vrai, que sur d’autres chaines où le 100 % est de rigueur ! Les rédactions en chef ont ici leur part de responsabilité : elles réduisent souvent l’économie à un sujet "entreprise", voire " placements ", au lieu de la considérer comme un élément-clé du débat politique qui justifierait qu’on y investisse des moyens significatifs.
Alors qu’il serait bon de mettre en valeur les différentes solutions possibles, et donc de faire de l’économie un enjeu politique, elle est donc rarement mise en débat dans les médias audiovisuels sinon dans quelques émissions comme « On n’arrête pas l’éco », sur le même France Inter, dans « Cdans l’air », sur France 5 ou dans certains programmes spécialisés comme « Cash investigation ».
D’une manière générale, l’organisation des rédactions oppose l’économie à la politique, sachant que seuls les journalistes politiques sont en position de "parler politique" ou d’interroger ceux dont c’est le métier. Or, la plupart des journalistes politiques n’ont pas de compétences sur le fond des dossiers économiques et sociaux. Ils se concentrent sur les rivalités de personnes, les petites histoires d’appareil, et quand une question économique s’impose dans l’agenda politique, elle n’est que très rarement traitée sur le fond, en s’efforçant de comprendre ce qu’il en est, en analysant ce que seraient les implications de tel ou tel choix. Au contraire, l’angle retenu privilégie une analyse en termes de choix tacticiens : si le président choisit telle solution, c’est pour se démarquer de X, ou pour concurrencer Y.
Au final, quand l’absence de sens critique des journalistes s’ajoute à la prétention des économistes, c’est bien le débat démocratique qui s’étiole. Rien d’étonnant, alors qu’une large partie de nos concitoyens, si l’on exclut ceux qui sont parfaitement satisfaits de l’état du monde, estime que rien ne peut changer ou en viennent à vouloir renverser la table.
Une science normative
Plus au fond, le soupçon de mensonge qui pèse sur le discours économique tient aussi à la nature même de la science économique contemporaine, telle qu’elle s’est imposée dans les universités et telle qu’elle vient structurer les discours économiques dominants. Mon propos n’est pas ici de remettre en cause l’intérêt de la science économique en tant que telle : l’économie occupe une place centrale dans nos démocraties de marché, et il est donc essentiel de s’y intéresser, d’essayer d’en comprendre le fonctionnement afin d’agir. En revanche, on peut s’interroger sur la posture épistémologique qui sous-tend la science économique dominante aujourd’hui. Une science, normalement, est là pour nous permettre de comprendre l’objet qu’elle étudie. Toute l’histoire de la physique est une longue suite de remise en cause des théories existantes, quand il est apparu qu’elles échouaient à expliquer tel ou tel phénomène. La communauté scientifique s’est alors remise au travail afin de concevoir de nouveaux modèles plus satisfaisants. Tout cela n’est pas linéaire : la remise en cause d’une théorie dominante ne va jamais sans quelques difficultés et quelques conflits, dans la mesure où elle remet au passage radicalement en cause les positions des uns et des autres au sein du monde académique. Mais, au final, les faits ont le dernier mot.
La science économique dominante procède bien différemment. L’individualisme méthodologique qui la fonde conduit à attendre du libre fonctionnement des marchés qu’il produise un optimum social. Tout sociologue, tout historien et tout économiste hétérodoxe sait bien qu’en pratique, les marchés ne sont jamais libres, ils fonctionnent toujours dans un cadre socio-historique donné. Le monde réel, même dans les sociétés les plus libérales au plan économique, est plein de normes, légales ou conventionnelles. Parce que nous ne sommes pas seulement une collection d’individus nouant des contrats les uns avec les autres, mais des êtres sociaux et parce qu’une société sans règle, cela n’existe pas.
Et pourtant, les économistes dominants proposent une vision hors sol de la réalité qui les conduit quand les faits sociaux viennent contredire leur modèle, à considérer que c’est la réalité qui a tort puisqu’elle se refuse à se plier au fonctionnement optimal décrit dans la théorie.
Concrètement, confronté à l’existence d’un chômage persistant, l’économiste standard s’interroge sur ce que serait le bon niveau du SMIC pour atteindre le plein emploi partant du postulat que le travail est une marchandise comme une autre qui s’échange sur un marché et que si elle ne trouve pas à se vendre, c’est qu’elle est trop chère. Seuls quelques économistes hétérodoxes commencent par se demander quel est le niveau de revenu qui permet à une personne humaine de vivre dignement pour s’interroger ensuite, sur ces bases, sur les voies et moyens permettant d’assurer un revenu et un emploi à tous ! De même, quand la crise des subprime se produit, les économistes dominants considèrent que la faute ne peut pas être liée à la libéralisation des marchés financiers, puisque celle-ci ne pouvait que conduire à un optimum économique. Si crise il y a eu, c’est du fait de l’insuffisante transparence de l’information financière, au lieu de partir de cette donnée d’évidence que l’absence de transparence est une constante de tout marché financier depuis que la finance existe et qu’il est donc nécessaire de les réguler pour éviter la reproduction régulière de bulles spéculatives...
On pourra me reprocher de développer ici une vision assez caricaturale. Je l’avoue volontiers. La théorie économique contemporaine a ainsi développé de multiples travaux intégrant les "imperfections des marchés", dit autrement, elle admet que la réalité n’est pas conforme à ce qu’elle devrait être et qu’il lui faut en tenir compte. Mais, confronté à cette difficulté, le premier réflexe des économistes demeure de chercher à faire rentrer la réalité dans leur modèle. Prenons la question des externalités, c’est-à-dire les coûts ou bénéfices engendrés par une décision économique qui ne sont pas payés ou encaissés par ceux qui sont à l’origine de cette décision. Exemples : la pollution des rivières entrainée par les nitrates en excès dans les terres agricoles ou encore le changement climatique entrainé par l’activité humaine, qui vient menacer la survie même de l’humanité. L’économiste propose face à ces problèmes d’appliquer le principe pollueur-payeur qui consiste à faire payer les externalités négatives par celui qui en est la cause. Le principe peut se révéler efficace, pour autant que les politiques osent l’imposer. Mais cette solution trouve vite ses limites : car quel prix donner à la biodiversité quand l’exploitation des forêts primaires détruit des centaines d’espèces végétales et animales ? Pour l’économiste, chaque ressource utile à un prix, et si cette ressource vient à manquer, son prix s’élèvera, ce qui incitera ses propriétaires à la protéger, et les consommateurs à choisir plutôt une autre ressource alternative tandis que les recherches permettant de lui trouver un substitut deviendront rentables. Le prix de chaque ressource tend ainsi vers son coût de substitution. Mais quel prix accorder à une plante dont on ignore encore aujourd’hui les vertus potentielles et que nous ne sommes pas capables, techniquement, de reproduire ? Le juste prix d’une telle plante, en bonne logique économique, est donc soit nul, soit infini. Autant dire indéterminé. On voit ici qu’on ne peut toujours fixer un prix à la nature et que seul le recours à la norme et donc à la loi, et donc à la démocratie, peut, dans certains cas, permettre de faire face aux défis environnementaux auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée.
En conclusion, parce que l’économie, comme discipline, est à la fois explicative et prescriptive, elle est logiquement traversée par les conflits d’intérêts et de valeurs qui structurent l’économie, comme réalité sociale. Il faut donc toujours questionner toute parole d’autorité émanant d’un économiste expliquant sur ce qui est bon pour la société et la mettre en débat. Il faut la questionner sur le plan scientifique, en s’interrogeant sur les méthodes, la qualité des sources, etc. Il faut aussi la questionner sur le plan des préférences politiques implicites qu’elle véhicule. La défense du pluralisme dans le champ économique est, dans cette perspective, un enjeu majeur pour la démocratie. La démocratie suppose que des visions concurrentes de l’intérêt général soient à même de s’affirmer dans l’espace public. Cela doit évidemment s’appliquer au champ économique. D’où l’importance de l’action conduite par l’Association française d’économie politique (AFEP) en faveur du pluralisme.