L’Institut Veblen avait déposé deux mémoires d’amicus curiae dans les différends OMC opposant l’Indonésie et la Malaisie à l’Union européenne, initiés respectivement en mars 2020 et en avril 2021. Ces décisions étaient très attendues car il s’agit des premiers litiges de l’OMC portant sur des mesures de lutte contre le changement climatique.
La décision concernant la Malaisie vient d’être publiée.
Concernant le mémoire d’amicus curiae déposé par l’Institut, la décision précise que l’UE l’avait annexé à ses plaidoiries et que la Malaisie avait demandé à ce qu’il ne soit pas admis. Le groupe spécial ne l’a pas explicitement admis ou rejeté, mais ne l’a pas pris en compte dans son raisonnement.
Sur le fond, le groupe spécial a tout d’abord considéré que les biocarburants à base d’huile de colza et de soja étaient des produits similaires aux biocarburants à base d’huile de palme. Il a jugé que les mesures relatives aux biocarburants à base d’huile de palme avaient un effet préjudiciable sur les conditions de concurrence pour cette catégorie de produits.
Il a donc mené une analyse sur la base de l’article XX du GATT et l’article 2.2 de l’accord sur les obstacles techniques au commerce, dispositions qui autorisent la prise de mesures discriminatoires dès lors qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’objectifs légitimes de politique publique.
Sur ce point, le groupe spécial a considéré que la politique européenne relative aux biocarburants à haut risque de changement indirect d’affectation des sols (ILUC, en anglais) poursuivait un objectif légitime de protection des ressources naturelles épuisables (art. XX(g) du GATT) et de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de la préservation des végétaux (art. XX(b) du GATT). Dans son rapport, le groupe spécial reconnaît que ces objectifs permettent aux membres de l’OMC de réglementer les émissions de gaz à effet de serre même lorsque ces émissions peuvent se produire en dehors de leurs frontières. Le groupe spécial reconnait donc la légitimité des réglementations climatiques de portée extraterritoriale.
Mais, les mesures ont finalement été jugées contraires au droit de l’OMC. Le groupe spécial a jugé que dans son application concrète, la méthodologie utilisée par l’UE pour classer l’huile de palme comme matière première à haut risque de changement indirect d’affectation des sols créait une restriction arbitraire et injustifiée au commerce (cf. chapeau de l’article XX du GATT). Plus précisément, le groupe spécial reproche à l’UE de ne pas avoir appliqué les mesures de manière impartiale, notamment en n’utilisant pas des données suffisamment récentes.
L’UE a d’ores et déjà indiqué qu’elle se conformerait à la décision du groupe spécial et qu’elle modifierait sa méthodologie.