Paris, le 23 mai 2017 - D’ici quelques jours, 90% du CETA – l’accord de commerce et d’investissement entre l’UE et le Canada- pourraient entrer en vigueur de façon provisoire. Un processus précipité que le nouveau Président Emmanuel Macron doit interrompre de toute urgence pour au moins trois raisons : non seulement, cette pratique d’entrée en application provisoire avant le vote des parlementaires nationaux est difficile à justifier, mais dans le cas du CETA, la création d’une commission d’experts annoncée lors de l’entre-deux tours deviendrait inutile ; ensuite, toute application provisoire en amont de la décision du Conseil constitutionnel sur la compatibilité du CETA avec la Constitution française, serait extrêmement malvenue et dangereuse.
Il est probable que le CETA entre en application provisoire dès le 1er juin, suite à sa ratification le 17 mai par le Canada (1), ou bien le 1er juillet au plus tard si les dernières formalités ne sont pas remplies. Dans les deux cas, l’urgence est là : une très grande partie de l’accord, soit 90% du texte à l’exception de quelques volets (dont le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États), deviendrait effective avant même la consultation des parlements nationaux (2).
Une telle mesure d’application provisoire pour un accord aussi contesté ne manquerait pas d’être perçue par les citoyens comme un passage en force, d’autant que les Eurodéputés français avaient très largement rejeté l’accord (3).
L’application provisoire du CETA dès les prochaines semaines paraîtrait ubuesque pour plusieurs raisons :
1. Elle pourrait intervenir avant la décision du Conseil constitutionnel, saisi par 110 députés français, attendue pour le début de l’été, et avant les résultats de la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne prévue par la Belgique dans les semaines à venir.
2. Le nouveau Président de la République s’est engagé à créer une commission d’experts chargée d’évaluer les impacts sanitaires et environnementaux du CETA dans les trois mois (4). Or, pour être jugées crédibles et pertinentes, la création de cette commission et les décisions qui en résulteront doivent intervenir avant l’entrée en application provisoire de l’accord. Nous voulons ainsi croire que les déclarations récentes de l’ambassadeur canadien en France, prétendant qu’il ne s’agissait là que d’une promesse électorale sans conséquence (5), ne sont pas fondées.
De ce fait, il est urgent que le Président demande à l’Union européenne de revenir sur une application provisoire du CETA avant le 1er juin.
Dans le contexte actuel de forte critique à l’égard des pratiques opaques et peu démocratiques (6) des institutions européennes en matière de politique commerciale, les effets mal maîtrisés d’une application provisoire précipitée seraient extrêmement malvenus et dangereux. Il convient avant toutes choses de lever les doutes juridiques sur cet accord. Plus largement, il semble nécessaire d’avoir un débat apaisé, démocratique et informé sur les conséquences de ce traité, inédit par sa taille et son contenu, avant de procéder à une quelconque mise en œuvre.
Notes :
(1) La loi C-30 de ratification a été adoptée au Sénat et a reçu une approbation royale le 17 mai
(2) Pour en savoir plus sur l’état du processus de ratification du CETA, voir la note de l’Institut Veblen, des Amis de la Terre et de la FNH
(3) Seuls 16 des 74 députés avaient en effet voté en sa faveur
(4) Voir la dépêche AFP du 02/05/2017
(5) Voir la dépêche AFP : Le Canada n’a pas à « craindre » l’évaluation annoncée par Macron, le 19/05/2017
(6) Voir notamment la décision du tribunal de l’UE annulant la décision de la Commission européenne refusant l’enregistrement de l’initiative citoyenne européenne, le 10 mai 2017