
La Commission adopte une mesure miroir environnementale concernant les néonicotinoïdes
Une première mise en œuvre de la nouvelle approche définie dans la stratégie Farm to Fork...mais qui comporte plusieurs lacunes
, 2 février 2023
La Commission Européenne a adopté l’acte délégué abaissant les limites maximales de résidus au seuil de détection, pour les produits fabriqués en UE et les produits importés, relatives à la clothianidine et au thiaméthoxame, dont l’utilisation est interdite en Europe depuis 2018 (sauf sous serre permanente). A l’avenir, un produit contenant des traces de ces substances ne pourra pas accéder au marché européen.
Cet acte délégué donne un signal important puisque pour la première fois, la Commission s’appuie sur le facteur environnemental pour justifier une telle interdiction. Elle met ainsi en œuvre la nouvelle approche définie dans la stratégie Farm to Fork sur ce sujet.
Mais l’acte délégué comporte plusieurs lacunes :
- Uniquement 2 des 3 néonicotinoïdes dont l’utilisation est interdite en Europe sont concernés. L’imidaclopride n’est en effet pas couvert.
- Rien n’est dit dans cet acte sur les dérogations qui permettent aux États membres d’autoriser sur leur territoire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de néonicotinoïdes pourtant interdits par la réglementation européenne. Or les États recourent massivement aux dérogations en matière de néonicotinoïdes. Mais sur ce point la donne est en train de changer. En effet, le 19 janvier dernier, la CJUE a jugé que le droit européen ne permettait pas aux États membres d’accorder des dérogations aux néonicotinoïdes vendus sous forme de semences enrobées aux producteurs de betteraves sucrières. À la suite de cet arrêt, la France a renoncé à introduire une dérogation pour l’usage de ces insecticides sur les semences de betterave. L’arrêt de la CJUE ouvre potentiellement la porte à des conséquences plus large, car il pourrait très bien s’appliquer à toutes les substances actives interdites d’usage en UE en raison de leur nocivité pour la santé et l’environnement.
- Enfin, l’interdiction ne sera effective qu’à partir de 2026…
Ces limites montrent, qu’au-delà des néonicotinoïdes, il est urgent que la Commission définisse un programme de travail, des engagements et un calendrier précis pour enfin mettre en place des mesures miroirs sanitaires ou environnementales sur l’ensemble des pesticides interdits en UE.
Par ailleurs, la légitimité de mesures miroirs appliquées aux pesticides appelle une certaine cohérence. Et tant que l’UE ne mettra pas un terme à la possibilité de produire, stocker et exporter depuis l’Union les substances actives et les pesticides interdits par la réglementation européenne, cette légitimité sera mise à mal.