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Déforestation importée : un texte historique dont la portée reste à éprouver

Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou, 6 décembre 2022

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L’adoption d’un règlement européen sur la déforestation importée le 6 décembre 2022 constitue une étape historique mais présente encore des lacunes qui pourraient nuire à son efficacité pour contrer la déforestation et ses impacts sur le climat et la biodiversité.

La France a encouragé l’adoption d’un règlement européen sur la déforestation importée pour éviter que la consommation européenne n’alimente la déforestation dans les pays tiers. Il était en effet urgent que l’UE se dote d’un tel instrument : entre 1990 et 2008, l’UE a importé et consommé 36 % des cultures et produits de l’élevage associés à la déforestation faisant l’objet d’échanges internationaux. Au cœur du problème se trouve la consommation de cultures telles que le soja et l’huile de palme et leur produits transformés dérivés, ainsi que la consommation de viande

Ce règlement pour des produits et des chaînes d’approvisionnement exempts de déforestation est fondé sur des obligations de diligence raisonnable imposées aux acteurs économiques. Toutefois la robustesse de l’instrument reste à éprouver. D’autant que les négociateurs du Conseil ont significativement amoindri la portée du texte sorti du Parlement européen, notamment pour ce qui concerne la liste des produits réglementés et celle des écosystèmes protégés.

Seuls le caoutchouc, le papier imprimé, le charbon de bois et les produits dérivés de l’huile de palme ont été ajoutés à la liste initiale (composée de l’huile de palme, du soja, du cacao, du café, de la viande de bœuf et du bois). Et le règlement ne couvre finalement que les forêts.

Ainsi, plusieurs dispositions fondamentales pour la portée effective de l’instrument sont reportées à des discussions ultérieures dans le cadre de clauses de revoyure :

  • Le maïs ou le biodiesel ne sont pas inclus. Ces deux produits font l’objet d’une clause de revoyure dans deux ans.
  • L’ajout d’autres terres boisées fait aussi l’objet d’une clause de revoyure (dans un an). Or, près de 60% des importations européennes à risque de déforestation concernent le soja, principalement cultivé dans les savanes comme le Cerrado, non couvertes par le texte.
  • L’inclusion du secteur financier ne sera également étudiée que dans deux ans.

C’est pourquoi la mise en oeuvre de ce texte ne constitue pas encore un rempart efficace contre toute forme de déforestation importée. Ainsi, dans les négociations avec les pays du Mercosur par exemple, des dispositions additionnelles devraient être ajoutées sous la forme de clauses miroirs dans le cadre de la conditionnalité tarifaire du projet d’accord commercial. Les négociations préalables à la ratification de l’accord devraient aussi permettre d’obtenir des pays du Mercosur un engagement de ne pas porter de différends à l’OMC à l’égard de ce règlement.

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