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Rapport et appel communs : "La banque centrale du XXIe siècle a besoin d’un mandat démocratique renouvelé"

23 avril 2021

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L’Institut Veblen co-signe le rapport sur le rôle de la BCE dans la transition écologique résultant da la conférence internationale "Next Generation Central Banking".

Les partenaires du projet européen "Tranformative Answers to the Crisis", dont l’Institut Veblen, publient un rapport commun et lancent en même temps un appel public à la réforme du mandat de la BCE. Nous publions le texte de l’appel ci-après

Les banques centrales du 21e siècle ont besoin d’un mandat démocratique renforcé

En mars 2020, la Banque centrale européenne a dû intervenir massivement pour éviter qu’un effondrement financier ne vienne s’ajouter à la crise économique provoquée par Covid-19. Il ne s’agit pas d’un phénomène ponctuel : au cours de la dernière décennie marquée par la crise, la portée et la nature des interventions de la BCE se sont considérablement élargies. Cette attitude interventionniste est devenue une caractéristique permanente des banques centrales du XXIe siècle, qui tentent de relever de nouveaux défis et de stabiliser un système financier mal réglementé.

C’est ce qui a motivé la récente conférence en ligne "Next Generation Central Banking : climate change, inequality, financial instability", qui a réuni des universitaires, des banquiers centraux, des groupes de réflexion, des activistes de la société civile et des politiciens devant un public de plus de 800 participants venus du monde entier.

Nous tirons de cette conférence la conclusion que les interventions massives des banques centrales, aussi nécessaires soient-elles pour préserver la stabilité des prix et la stabilité financière, ont également des effets secondaires importants : elles accroissent les inégalités et exacerbent la crise écologique. Il a été démontré, par exemple, que les achats d’actifs de la BCE favorisent les entreprises à forte intensité de carbone. Tout cela montre que la politique monétaire n’est pas neutre - et ne l’a jamais été. La politique de la BCE implique un large éventail de choix. Ce pouvoir discrétionnaire considérable exige d’améliorer sa légitimité démocratique et de clarifier son mandat à la lumière des nouvelles exigences des grands défis sociaux et écologiques actuels.

L’une des raisons des interventions des banques centrales est l’instabilité inhérente du système financier. Afin que la BCE ne soit plus en première ligne et que le système financier soit stabilisé, les banques devraient être étroitement réglementées, ce qui réduirait le besoin d’intervention des banques centrales.

Nous nous félicitons que les banques centrales commencent à prendre en compte les risques climatiques, dans le cadre de leur mandat principal de stabilité des prix et du système financier. La BCE doit désormais intégrer les risques climatiques dans ses propres opérations de politique monétaire. Mais la BCE doit aller plus loin : elle doit cesser de soutenir les industries à forte intensité carbone et aligner l’ensemble de son cadre de politique monétaire sur la transition vers une économie à faible intensité de carbone, y compris sa politique conventionnelle telle que les prêts repo contre garantie et ses politiques non conventionnelles telles que les achats d’actifs à grande échelle pour les entreprises (CSPP) ou les opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO).

La politique monétaire actuelle repose presque exclusivement sur les marchés financiers pour sa mise en œuvre et sa transmission à l’économie réelle. Cela ne s’est pas avéré très efficace pour atteindre l’objectif d’inflation de la BCE au cours de la dernière décennie. En outre, elle a alimenté la hausse des prix des actifs, ce qui a considérablement aggravé les inégalités. La BCE devrait reconnaître ce fait et développer des options alternatives pour atteindre l’économie réelle plus directement, et pour mieux soutenir le marché du travail et les plus bas salaires. C’est la clé d’une reprise durable en Europe après la crise du COVID-19.

Le régime macrofinancier dans lequel nous vivons exige des banques centrales qu’elles jouent un rôle actif sur les marchés, en particulier sur les marchés des obligations souveraines, afin de remplir leur mandat de stabilité des prix. Cependant, cela définit également la marge de manœuvre budgétaire des gouvernements. Comme l’a récemment souligné Isabel Schnabel, membre du conseil d’administration de la BCE, la situation macroéconomique actuelle a rendu la politique budgétaire plus importante et plus efficace que la politique monétaire et ne devrait donc pas être limitée par les décisions des banques centrales. Cela nécessite non seulement une refonte du cadre budgétaire actuel de l’UE, comme l’a largement soutenu une récente lettre publique, mais aussi un nouveau mécanisme de coordination entre la politique monétaire et la politique budgétaire dont le mandat est d’assurer l’épanouissement d’une économie inclusive, stable et durable.

La BCE est un acteur clé de la politique économique de l’UE, mais il lui manque des orientations claires et renouvelées pour soutenir les politiques fondamentales de l’UE, conformément aux engagements pris en vertu du droit international dans l’Accord de Paris. C’est pourquoi, afin d’ajouter de la légitimité à l’action de la BCE sur ses "objectifs secondaires", une procédure formelle devrait être développée par le Parlement européen, spécifiant et priorisant les objectifs politiques que la BCE devrait poursuivre au-delà de son mandat primaire.

La BCE procède actuellement à son premier examen stratégique en 17 ans. Le moment est venu d’établir un agenda complet pour la BCE à la lumière de la transformation socio-écologique vers une économie résiliente, équitable et respectueuse du climat.

Nos propositions

Vous pourrez consulter ci-dessous la note (en Anglais) produite par les participants à la conférence "Next Generation Central Banking : climate change, inequality, financial instability".

The ECB’s role in the social-ecological transformation

Signataires

Bernard Bayot, Financité

Andrea Binder, Global Public Policy Institute Berlin

Ollivier Bodin, Greentervention

Benjamin Braun, Max Planck Institute for the Study of Societies

Frances Coppola, Author “The Case for People’s Quantitative Easing”

Hielke Van Doorslaer, Ghent Institute for International Studies

Daniela Gabor, UWE Bristol

Michael Jacobs, Sheffield Political Economy Research Institute, University of Sheffield

Stanislas Jourdan, Positive Money Europe

Wojtek Kalinowski, Veblen Institute for Economic Reforms

Jens van ‘t Klooster, KU Leuven and University of Amsterdam

Benoît Lallemand, Finance Watch

Frank van Lerven, New Economics Foundation

Giuseppe Mastruzzo, International University College of Turin

Matthieu Méaulle, Associate member, PHARE, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Pierre Monnin, Council on Economic Policies

Maria Nikolaidi, University of Greenwich

Saule Omarova, Cornell University

Paola D’Orazio, Ruhr University Bochum

Ronan Palmer, E3G

Michael Peters, Finanzwende

Josh Ryan-Collins, Institute for Innovation and Public Purpose, University College London

Gerhard Schick, Finanzwende

Paul Schreiber, Reclaim Finance

Carolyn Sissoko, UWE Bristol

Adam Tooze, Columbia University

Barbara Unmüßig, Heinrich-Böll-Stiftung

Frank Vanaerschot, FairFin

Alessia Del Vasto, Positive Money Europe

Luca Visentini, General Secretary, European Trade Union Confederation

Joscha Wullweber, Witten/Herdecke University

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