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Faire évoluer les règles de l’OMC pour la protection du climat, de la biodiversité et une agriculture juste et durable

Par Stéphanie Kpenou

26 février 2024

À l’occasion de la 13ème conférence ministérielle de l’OMC qui s’ouvre à Abou Dhabi, l’Institut Veblen rappelle dans une note la nécessité de repenser les règles du système commercial multilatéral de manière à pouvoir appréhender les défis climatiques, agricoles et de protection de la biodiversité.

Ces règles apparaissent aujourd’hui inadaptées et obsolètes au regard de la nécessité d’une part, de limiter les échanges de biens et de services ayant une lourde empreinte climatique et/ou environnementale et, d’autre part, d’évoluer vers des systèmes agricoles et alimentaires plus justes et durables.

Premièrement, les règles de l’OMC devraient être interprétées, ou au mieux révisées, de manière à autoriser les membres à prendre des mesures décourageant les échanges de biens nocifs pour le climat et la biodiversité. Il s’agit de la fameuse question des procédés et méthodes de production (PPM) dont le statut reste incertain au regard du droit de l’OMC.

Sur ce point, les décisions sur les différends commerciaux opposant d’une part l’Indonésie et, d’autre part, la Malaisie à l’UE - et dans le cadre desquels l’Institut à soumis des mémoires d’amicus curiae - sont très attendues car elles pourraient être des décisions historiques sur la légalité des mesures de protection de l’environnement et d’atténuation du changement climatique dans le cadre de l’OMC.

Mais plutôt que d’attendre que la jurisprudence se développe progressivement, il est dès à présent nécessaire de :

  • Clarifier les dispositions relatives à la non-discrimination et préciser l’espace réglementaire des gouvernements.
  • Elaborer des lignes directrices sur la mesure des émissions de GES, sur des critères communs de durabilité et sur les mesures unilatérales acceptables pour lutter contre le changement climatique dans le cadre de la CCNUCC (et prévoir une initiative similaire en matière de biodiversité dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique).
  • Mieux articuler les politiques axées sur la production durable avec les politiques de développement.

Deuxièmement, dans un contexte de crise, la question de la nécessité de réserver un traitement spécifique à l’agriculture dans les règles commerciales internationales revient au centre des débats. Il s’agirait de transposer au secteur agricole l’exception existante pour le secteur culturel. En effet, la Convention UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles reconnait la spécificité des biens et services culturels. Pour cette raison, ils ne doivent pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale. Pour la France, la mise en œuvre de la Convention de l’UNESCO a impliqué la sortie du secteur culturel du champ des négociations commerciales et la possibilité de maintenir et adopter des politiques et mesures culturelles.

Reste à savoir si une exception similaire pourrait être appliquée dans le secteur agricole. A ce stade, il y a beaucoup d’incertitudes sur ce qu’elle pourrait couvrir et il est peu probable que pays industrialisés et pays en développement parviennent à aligner leurs conceptions.

En tout état de cause, une exception agricole ne pourrait être réellement bénéfique que si elle a pour finalité le développement d’une agriculture locale et durable, de qualité, permettant d’assurer la souveraineté alimentaire de tous et de garantir une rémunération décente des paysans.

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