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Bilan après 6 ans d’application provisoire du CETA : un tableau mitigé pour le commerce mais clairement négatif pour l’environnement

Par Lola Delfosse & Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou

11 avril 2024

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Le volet commercial de l’accord entre l’UE et le Canada, CETA (AECG en français, Accord économique et commercial global) est en application provisoire depuis le 21 septembre 2017.

Le 24 novembre 2023 a eu lieu un sommet bilatéral entre le Canada et l’UE à Saint-Jean de Terreneuve, l’occasion pour les deux parties d’afficher leur satisfaction sur les retombées économiques du CETA et d’annoncer la création d’une soi disant nouvelle “Alliance verte”. Justin Trudeau et Ursula Von der Leyen ont ainsi réaffirmé “leur engagement sans faille en faveur de l’Accord de Paris et du renforcement de sa mise en œuvre”.

Pour autant, les premiers résultats de la mise en application provisoire du volet commerce du CETA ne vont pas dans le sens de cet engagement.

En janvier 2024, le CETA a fait l’objet de nouvelles discussions au Parlement européen avec l’adoption d’une résolution très positive. Piloté par l’eurodéputé espagnol Javier Moreno Sanchez (groupe des socialistes et démocrates), le texte vise à exhorter tous les États membres de l’UE à ratifier le CETA afin de déclencher l’application définitive de l’accord.

Puis en mars 2024, le projet de loi de ratification du CETA a été rejeté par le Sénat français.
Si le processus n’est pas achevé en France, ce vote génère de nouvelles interrogations sur la capacité de l’Union européenne de ratifier définitivement l’accord.

Six ans après le début de la mise en application provisoire de l’accord, il est possible de dresser un premier bilan qualitatif et quantitatif des effets du CETA. Peu d’analyses ou d’évaluations ont été publiées à ce jour, et à ce titre le projet de rapport du parlement européen apparaît bien incomplet. La Commission européenne avait rédigé des fiches d’information en septembre 2022, à l’occasion des 5 ans de l’application provisoire. Mais ces documents présentent les informations sous un jour très positif, même quand les faits disent le contraire.

Dans l’ensemble, les impacts économiques ont été réduits et le CETA est loin d’être un accord bénéfique pour l’environnement.
Comme prévu, l’impact marginal de l’application provisoire de l’AECG depuis 2017 est à peine perceptible. En volume, les exportations de l’UE n’ont augmenté que de 0,7 % entre 2017 et 2022 (contre 34 % entre 2012 et 2017, au cours de la période précédant l’application provisoire de l’accord).
La réduction des droits de douane couplée aux mesures de facilitation des échanges a contribué à l’augmentation des importations européennes de combustibles fossiles (y compris le pétrole issu des sables bitumineux), de minéraux, d’engrais, de produits chimiques et de plastiques. Les secteurs qui contribuent le plus aux échanges de services, et dont la croissance est la plus importante, sont les secteurs des voyages et des transports, qui génèrent tous deux d’importantes émissions de gaz à effet de serre.

Le Canada ne cesse par ailleurs d’exercer des pressions sur les normes européennes existantes et sur leur renforcement prévu par le biais des mécanismes de dialogue et de coopération réglementaire. Par exemple, au sein du Comité mixte des mesures sanitaires et phytosanitaires de l’AECG, le Canada remet continuellement en question la légitimité des règles européennes visant à garantir que les denrées alimentaires, les animaux et les produits d’origine animale mis sur le marché de l’UE respectent l’obligation d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement. Le Canada fait de même au niveau multilatéral par le biais des comités de l’OMC.

En ce qui concerne le volet investissement, la partie non appliquée pour l’heure concerne les dispositions sur la protection des investissements, qui ne seront mises en œuvre que si toutes les Etats membres de l’UE ratifient le CETA. Mais le contenu du chapitre sur l’investissement apparait déjà dépassé car il n’est clairement pas aligné sur les nouvelles exigences posées par le Parlement européen suite à la modernisation du Traité sur la Charte de l’énergie. Les investissements fossiles sont en effet couverts, les normes de protection restent trop larges et vagues et une clause de survie de 20 ans est prévue.

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