Le prix Nobel d'économie a été attribué aux Américains Ben Bernanke, pour ses travaux sur les crises financières, et au duo Douglas Diamond et Philip Dybvig pour leurs recherches sur les banques. Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste, maîtresse de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, nous décrypte les débats académiques autour du sacre de l'ancien patron de la banque centrale américain.
Marianne : On parle peu de Douglas Diamond et Philip Dybvig, les deux co-lauréats de Ben Bernanke. Qui sont-ils ?
Jézabel Couppey-Soubeyran : En distinguant Douglas Diamond et Philip Dybvig, le jury a sans doute considéré qu’il était un peu difficile de récompenser Ben Bernanke tout seul. Ces chercheurs ne sont pas distingués pour rien. Ils ont posé les bases de la théorie bancaire, branche qui n’a jamais été sur la liste des lauréats du jury suédois. Ensemble, ils ont décrit un modèle qui permet de comprendre pourquoi les banques existent, et en quoi les banques sont aussi utiles que fragiles. Les banques se rendent utiles par leur contrat de dépôts, qui permet de retirer son argent quand on en a besoin. Mais (et c’est le tour de force de ce modèle), c’est en investissant dans des actifs illiquides que les banques fournissent cette assurance de liquidité. Cela les expose intrinsèquement à un risque de run : si tout le monde vient retirer en même temps, la banque n’a pas de quoi servir tout le monde, c’est la panique. D’où le besoin d’encadrer l’activité bancaire, de garantir les dépôts pour dissuader les paniques, de réglementer, etc.
« À travers cette distinction, ce sont un peu les banques centrales qui sont récompensées. Et elles avaient bien besoin de redorer leur blason. »