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Dominique Méda : « L’intervention de l’Etat a peu à peu été décrédibilisée et mise au service du marché »

La guerre en Europe et la crise climatique doivent enfin convaincre les décideurs européens d’abandonner la doxa qui, depuis plus de quarante ans, fait de la dépense publique un coût à réduire, plaide la sociologue dans sa chronique.

Publié le 04 mars 2023 à 07h45, modifié le 04 mars 2023 à 10h02 Temps de Lecture 3 min.

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Allons-nous être capables, comme nous l’avons été au milieu du XXe siècle, de construire le nouveau consensus dont le monde a besoin pour faire face à la menace d’extension de la guerre et à l’accélération dramatique du changement climatique ? A l’aube d’une semaine décisive pour la politique française, peut-être est-il nécessaire de réinscrire le conflit social actuel sur les retraites dans une perspective plus large.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Les dépenses publiques sont une richesse, pas une charge, pour l’économie »

En mai 1944, en pleine seconde guerre mondiale, les délégués de quarante et un pays adoptaient à Philadelphie les nouveaux objectifs de l’Organisation internationale du travail. Leur déclaration proclamait que « le travail [n’était] pas une marchandise » et réaffirmait qu’« une paix durable ne [pouvait] être établie que sur la base de la justice sociale ». Trois mois auparavant, le Conseil national de la Résistance française avait annoncé la mise en place, dès la libération du territoire, d’un plan complet de sécurité sociale.

En juin, le haut fonctionnaire britannique William Beveridge (1879-1963), précédemment mandaté par le gouvernement pour définir le cadre d’un système de sécurité sociale (« Rapport au Parlement sur la sécurité sociale et les prestations connexes », 1942), présentait en 1944 (dans Full employment in a free society) la méthode à suivre : une politique résolument keynésienne et une forte intervention de l’Etat, mobilisant un niveau de dépenses et d’investissements publics aussi élevé que nécessaire, réglementant strictement les investissements privés et organisant une vaste redistribution.

Remise en cause

Mais dans les années 1980 s’amorçait le tournant néolibéral et la mise en place du consensus de Washington, caractérisé par une croyance dans les capacités autorégulatrices du marché et une critique radicale de l’intervention de l’Etat, du keynésianisme et des protections collectives. Le politiste Vincent Gayon raconte, dans Epistémocratie (Raisons d’agir, 2022), au terme de quels combats internes, de quelles alliances et de quelle conversion des élites ce tournant avait été rendu possible au cœur de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’institution qui organisera la diffusion du nouveau référentiel.

Il montre le rôle majeur qu’ont joué les économistes et leur nouvelle conception du chômage, des dépenses publiques et du marché, et comment celles-ci ont fini par triompher. Les cours du philosophe Michel Foucault (1926-1984) au Collège de France, édités sous le titre Naissance de la biopolitique (Seuil, 2004), montraient comment l’intervention de l’Etat a peu à peu été décrédibilisée et mise au service du marché, ainsi que la manière dont tous les éléments constitutifs de la politique sociale antérieure ont été remis en cause les uns après les autres.

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