La revue des revues. Dans ce florilège de contributions toutes très claires et stimulantes sur ce qui peut-être considéré comme l’enjeu économique le plus urgent de la première moitié du XXIe siècle – « la transition énergétique à la croisée des chemins » –, il n’y a que ce titre qui soit banal. C’est un moindre mal. Mais ce qui frappe à la lecture de ce volume, c’est l’isolement de la France au sein de l’Union européenne (UE) en matière de politique énergétique.
Alors que l’énergie atomique est bannie au Danemark, en Grèce et en Irlande, en voie d’abandon en Autriche et en Italie, que l’Allemagne et la Belgique suivent la même direction juste avant l’Espagne et la Suède, la France va à rebours de ses principaux partenaires économiques en s’arc-boutant sur une relance de l’énergie nucléaire, à la recherche de nouveaux alliés en Europe centrale et orientale.
Comme l’écrit Wojtek Kalinowski, codirecteur de l’Institut Veblen, l’option de la relance nucléaire va s’imposer dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, et ce alors même que la France est le seul grand pays de l’UE à afficher un retard sur ses engagements en matière de production d’énergies renouvelables. Or, rien ne sert d’opposer ces deux sources.
« Monde mosaïque »
Les économistes de l’énergie Patrick Criqui et Manfred Hafner décrivent parfaitement l’opposition irréductible entre la France et l’Allemagne sur le rôle du nucléaire dans la transition. Mais ils vont un cran plus loin en identifiant quatre scénarios pour un monde futur. Entre ceux de la globalisation économique d’un côté et de la « loi de la jungle » de l’autre, ils décrivent deux configurations intermédiaires. La première, intitulée « le monde mosaïque », se traduit, sur fond de tensions internationales, par un recul des échanges. La seconde, dite de « la relocalisation raisonnée », vise à assurer une énergie sûre et durable, au moment où la crise sanitaire liée au Covid-19 et la volte-face américaine sur le multilatéralisme changent la donne.
De son côté, l’économiste Emmanuel Hache établit une géopolitique des matières premières (lithium, cobalt, nickel, etc.). L’abandon des énergies fossiles implique une électrification massive des usages, dans les transports ou encore l’industrie, et, dans ces conditions, l’UE doit rapidement apprendre à maîtriser ses approvisionnements en métaux et terres rares.
Enfin, sur le plan pratique et local, l’urbaniste Gilles Debizet explique le fonctionnement des « communautés énergétiques » qui se développent en France et en Europe depuis quelques années, tandis que la responsable associative Barbara Nicoloso estime que les sociétés occidentales vivent « dans un état d’ébriété énergétique » et que seule la sobriété permet de réduire les émissions de gaz à effets de serre, par des changements de comportements.
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