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Et si les Banques centrales finançaient le revenu de base ?

Revenu de base. Et si on essayait ?dossier
L’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran propose de mettre les institutions monétaires au service de la société pour réparer l’injustice sociale, accélérer la transition écologique, garantir l’emploi, assurer un minimum vital... Elle participera vendredi 11 juin au Forum Live «Revenu de base, et si on essayait ?» organisé par «Libération» et Solutions solidaires.
par Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste, maîtresse de conférences à l’Université Paris-I Panthéon Sorbonne
publié le 25 mai 2021 à 9h21
(mis à jour le 25 mai 2021 à 9h21)

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Dans un contexte pandémique qui creuse les écarts de niveaux de vie et obscurcit l’horizon de la jeunesse, la question de l’opportunité d’un revenu de base revient en force. La monnaie que créent les Banques centrales pourrait-elle servir à le financer ?

L’idée de verser à chaque personne un minimum vital en deçà d’un certain niveau de revenu d’activité, sous la forme d’un impôt négatif automatique, sans aucune démarche à accomplir, sans contrepartie, apparaît de plus en plus comme un outil dont nos sociétés vont devoir se doter pour lutter contre la précarité et l’inemploi. Dominique Méda et Thomas Piketty l’évoquaient tour à tour récemment dans leurs tribunes respectives. De fortes résistances demeurent cependant : à droite, le revenu de base heurte le principe méritocratique ; à gauche, il fait craindre la suppression d’aides et de services publics. Vient aussi inévitablement la question du financement d’un tel projet : il faudrait une profonde refonte de l’impôt pour que le revenu de base ne déséquilibre pas structurellement le budget de l’Etat. D’aucuns y verront l’occasion de faire d’une pierre deux coups, d’autres au contraire la pierre d’achoppement.

Une alternative monétaire existe, qui impliquerait les Banques centrales. Pas telles qu’elles existent aujourd’hui – ce sont des institutions indépendantes qui n’ont pas le droit de financer directement les Etats – mais en devenant des instituts d’émission gouvernés par la société et au service des objectifs que celle-ci se fixerait pour remédier à ses maux : réparer l’injustice sociale, accélérer la transition écologique, garantir l’emploi, assurer un minimum vital… Les propositions monétaires alternatives qui émergent depuis quelques années, monnaie hélicoptère, dons de monnaie centrale… conduisent toutes à cette perspective d’une Banque centrale transformée en institut d’émission, gouverné par l’ensemble des parties prenantes, dont le pouvoir de création monétaire servirait à atteindre les objectifs fixés. Ces derniers varient selon les propositions : avec la monnaie hélicoptère, la monnaie centrale irait directement aux ménages et aux entreprises pour soutenir leurs capacités de dépenses respectives ; avec des dons de monnaie centrale aux Etats, la monnaie centrale viendrait directement financer certaines dépenses publiques comme des investissements nécessaires à la transition écologique… Le revenu de base pourrait être l’un de ces objectifs : l’institut d’émission créerait la quantité de monnaie centrale nécessaire en la transférant soit à l’Etat soit directement aux ménages pour assurer à chacun un minimum vital.

Une note récente de l’Institut Veblen examine le bien-fondé et les implications de ce nouveau mode d’émission, qui mettrait en circulation une monnaie libre de contrepartie et permanente. Une utopie hors de portée ? Au contraire, comme le suggère l’histoire longue de la monnaie, à chaque fois qu’il l’a fallu, la société a transformé le système monétaire pour l’adapter à ses besoins. Transformer la société implique de transformer la monnaie !

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