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UE: après la crise sanitaire et économique, le spectre de la crise bancaire
Le spectre d'une crise bancaire en Union Européenne.
AFP

UE: après la crise sanitaire et économique, le spectre de la crise bancaire

Covid-19

Par Robin Lemoine

Publié le

Le 11 décembre, le régulateur européen a appelé les banques à se préparer à une possible explosion de prêts impayés l'an prochain. Un risque qui pourrait mettre en danger l’ensemble du secteur.

Pour le moment, et malgré la force de la crise économique actuelle, l’édifice bancaire semble tenir bon. À tel point que, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a même osé se lancer dans un bras de fer avec la Banque Centrale Européenne pour demander le retour des dividendes pour les actionnaires des établissements bancaires. Pourtant, l’horizon des banques n'est pas aussi clair que cela, et c’est l’Autorité Bancaire européenne qui le dit.

Ainsi, en fin de semaine dernière, le régulateur européen a appelé le secteur bancaire à se préparer à une possible explosion de prêts impayés (créances non performantes) l'an prochain. « Avant la pandémie, bon nombre d'entreprises avaient déjà des crédits à rembourser, explique Fabien Tripier, économiste et conseiller scientifique au CEPII, dans le programme Macroéconomie et Finance Internationales. Avec la crise sanitaire et l’arrêt de l’activité économique, elles ont continué à s’endetter grâce aux prêts garantis par l’État. Le risque aujourd’hui, se trouve dans les difficultés de remboursement de ces prêts et d’une possible explosion des impayés. »

Des impayés qui pourraient avoir un impact très négatif sur le compte des banques. « La question est donc de savoir si la reprise sera assez forte pour permettre le remboursement de ces crédits et si les banques auront la capacité, en termes de capitaux propres, d'absorber ces impayés, sans s’écrouler. Il faut rester très prudent », continue l’économiste. Car oui, le scénario d’une crise bancaire peut aujourd’hui être envisagé.

Des banques vraiment solides ?

« Il y a eu un renforcement de la régulation et des fonds propres après la crise financière de 2008. C’est une réalité, indique Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et conseillère scientifique à l'Institut Veblen. On a amélioré la gestion des risques bancaires en Europe. Mais cela est-il suffisant pour répondre à une crise fondamentalement différente de celle de 2008? Non. Et la vision que l’on a concernant leur solidité est un peu optimiste. » En effet, aujourd’hui, si les pertes des banques venaient à dépasser 5,8 % de leur actif, elles seraient en difficulté pour les assumer. « Et cela sans compter des dévalorisations d’actifs, les risques boursiers et les pertes de marché qu’elles devront absorber. » Et le risque est grand. Si certaines n’arrivent pas à absorber ces pertes, le spectre de la faillite pourrait se rapprocher et toucher la totalité du secteur.

« Si les dispositifs mis en place après la crise de 2008, se révèlent insuffisants, il est tout à fait possible qu’on se retrouve dans une crise bancaire, ajoute Jézabel Couppey-Soubeyran. L’année 2021 va être le baptême du feu pour ces dispositifs. » Si ceux-là s'avéraient insuffisants, les banques freineraient alors leur offre de crédit, la relance européenne en pâtirait, et cela se répercuterait mécaniquement sur les citoyens.

La possibilité d’une Bad Bank

Pour ne pas arriver à cette situation, la BCE prépare depuis quelques mois un mécanisme permettant aux banques d'assainir leurs comptes en se défaisant, à peu de frais, de ces actifs toxiques. Dans une tribune publiée fin octobre par le Financial Times, le président du conseil de surveillance prudentielle de la BCE, Andrea Enria, estimait que le niveau de ces créances douteuses pourrait, dans le pire des scénarios, atteindre 1.400 milliards d'euros, soit un niveau supérieur à ce qu'elles étaient lors de la crise financière de 2008 ou celle des dettes souveraines en 2011. Le moment, selon lui, pour l’Europe de créer sa propre Bad Bank. C’est-à-dire une structure de défaisance où les banques pourront transférer leurs créances douteuses… au frais du public et donc du contribuable.

Mauvaise idée, d'après les deux économistes. Selon Fabien Tripier « il faut d’abord que l’Union Européenne se serve des mécanismes déjà en place pour aider le secteur bancaire. Et il faut tout faire, malgré les périodes de confinement, déconfinement, pour que l’économie reparte. » De son côté, Jézabel Couppey-Soubeyran, mise en plus sur le concept de « cleaning bank ». « Une structure dirigée par les pouvoirs publics qui reprendrait les créances douteuses mais à plusieurs conditions, explique-t-elle. Par exemple, nous pourrions exiger une réorientation stricte de l’activité des banques bénéficiaires vers le financement des PME, une réduction des activités de marché ne contribuant pas suffisamment au financement de l’économie ou encore l’interdiction de financement d’activité polluante. » En attendant ce genre de d'orientation, les deux économistes comme beaucoup de spécialistes ou non de la question, ne souhaitent qu’une chose : que ça tienne !

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