Tribune. Les travailleurs de la deuxième ligne regroupent entre 3 et 5 millions de travailleurs (non soignants) qui, du fait de leur profession, ont été exposés au Covid-19 et ne perçoivent que de (très) faibles rémunérations mensuelles. On y retrouve des métiers plutôt masculins (chauffeurs et secteur du bâtiment par exemple) et des métiers largement féminisés (salariées de la vente, de la propreté, de l’aide à domicile notamment).
Si un large consensus se dégage pour souligner la nécessaire revalorisation symbolique et financière de ces emplois, la seule modalité connue à ce jour, l’attribution d’une prime fait ressortir des difficultés structurelles profondes, tout particulièrement pour la partie « féminine » des postes concernés. Que signifierait en effet cette prime éventuelle pour elles ? Trois questions apparemment simples ouvrent sur des enjeux bien plus larges : qui paye ? Combien vont-elles toucher ? Comment la prime revalorise-t-elle les métiers ?
La proposition présentée, le 15 mars, par le premier ministre consiste à exonérer de cotisations et d’impôts sur le revenu une prime de 1 000 euros (voire plus par accord collectif de branche) que les employeurs pourraient verser à une cible de salariés à « bas salaires ». Or les aides à domicile et les agents d’entretien ont bien souvent comme point commun de ne pas avoir un « employeur normal » en face d’eux.
Des salariés à temps partiel et non à plein temps
Non seulement le multi-emploi y est fréquent (plus du tiers des salariés de la branche de la propreté par exemple), mais surtout la « fonction employeur » est éclatée entre un lien de subordination en droit (l’entreprise ou l’association prestataire qui établit la fiche de paye) et un lien de subordination de facto (le donneur d’ordre externalisant l’entretien de ses locaux, le conseil départemental régulant les tarifs des interventions à domicile, diverses collectivités territoriales et autres commanditaires publics…).
Dépendantes de leurs donneurs d’ordre qui tirent les tarifs vers le bas, les prestataires vont se retrouver, une fois de plus, à regretter de ne pas pouvoir donner aux salariées ce qui leur revient… Ce discours n’est pas uniquement rhétorique, il souligne surtout l’hypocrisie de certains donneurs d’ordre et typiquement des pouvoirs publics qui invitent des employeurs à traiter leurs salariés selon des règles dont ils se sont affranchis en externalisant ces fonctions ou en refusant de les financer dignement, aussi bien en imposant des prix trop restrictifs en tant que commanditaires qu’en fixant des tarifs au-dessous du coût des services d’aide à domicile.
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