Pourquoi la transition énergétique est-elle "métallivore" ? : épisode • 4/5 du podcast Comment faire concrètement la transition écologique ?

Opération de déchargement de minerai de fer dans le parc de stockage de Taicang Wugang Terminal, à Suzhou, en Chine, en mars 2024. ©Getty - Future Publishing
Opération de déchargement de minerai de fer dans le parc de stockage de Taicang Wugang Terminal, à Suzhou, en Chine, en mars 2024. ©Getty - Future Publishing
Opération de déchargement de minerai de fer dans le parc de stockage de Taicang Wugang Terminal, à Suzhou, en Chine, en mars 2024. ©Getty - Future Publishing
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La transition écologique pourrait exiger de multiplier l’extraction de nombreux métaux et minerais. Ceux-ci sont destinés à soutenir le recours massif à l’électrification qui doit nous permettre de réduire notre dépendance aux carburants fossiles. Mais cette phase d’extraction pose des problèmes.

Selon l’AIE (2021), le respect des accords de Paris et la limitation du réchauffement climatique mondial en dessous de 2°C par rapport aux températures préindustrielles à l’horizon 2100 pourrait représenter une multiplication par quatre de la consommation actuelle de minerais (lithium, cobalt, nickel, cuivre, aluminium, graphite…), en particulier pour alimenter les batteries des véhicules électriques, les piles à combustible, les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les ordinateurs….La transition bas carbone et numérique devrait être extrêmement gourmande en métaux et minerais. Une équipe de recherche du National Science Museum a par exemple calculé que pour convertir à l’électrique tout le parc de véhicules de l’Angleterre, il faudrait l’équivalent de deux fois la production mondiale actuelle de cobalt, les trois quarts de la production mondiale de lithium, et la moitié de la production mondiale de cuivre. L’Union européenne a qualifié l’ensemble de ces minerais et métaux de matériaux critiques parce que sa dépendance à l’égard des pays étrangers est extrêmement forte et que la sécurité des approvisionnements constitue un élément stratégique essentiel. Plusieurs questions se posent : comment protéger les approvisionnements en matériaux critiques ? Faut-il ouvrir des mines en Europe ? Face aux immenses défis que posent ces deux premières questions, le recours à plus de sobriété ne s’impose-t-il pas ?

Le règlement européen sur les matériaux critiques (CRMA) qui a été adopté en mars par l’Union européenne vise à réduire la dépendance de la zone aux fournisseurs extérieurs de minerais et métaux critiques, notamment la Chine, et à améliorer la résilience du secteur industriel face aux risques de rupture d’approvisionnement. Il cible l’ensemble de la chaîne de valeur – de l’exploitation du potentiel d’extraction au recyclage en passant par le (re)développement du raffinage et de la transformation de minerais sur le sol européen – et ambitionne de diminuer les impacts environnementaux et sociaux de la production de métaux critiques et d’en améliorer la circularité. Il reconnaît 34 matières premières critiques et 17 matières premières stratégiques regroupant les matériaux « importants pour les technologies qui contribuent à la double transition verte et numérique et aux objectifs en matière de défense et d'aérospatiale ».

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Les travaux d’Emmanuel Hache et Emilie Normand sur ce sujet, notamment disponibles sur le site de l’Institut Veblen, reviennent sur les objectifs arrêtés par l’UE et sur la difficulté d’atteindre ceux-ci. En effet, le Règlement affiche l’ambition d’augmenter l’extraction des minerais critiques de 10%, le raffinage de 40% et le recyclage de 25% sur le territoire européen. Plusieurs obstacles de taille risquent de rendre ces objectifs difficilement accessibles. D’abord l’Europe a fermé la plupart de ses mines et n’a pas de réserves suffisantes dans son sous-sol pour de nombreux métaux (antimoine, borate, graphite, manganèse, tantale, etc.). Ensuite, il y des délais incompressibles entre la première exploration et la première production commercialisée d’une mine. De plus, la revitalisation de l’industrie minière européenne nécessitera des financements importants. Or les projets miniers ne sont pas intégrés à la taxonomie européenne sur les investissements bas-carbone et ne bénéficient pas non plus d’un budget spécifique qui leur serait dédié – à la différence des États-Unis qui ont ainsi envoyé un signal fort au travers de l’Inflation Reduction Act (IRA). Enfin et surtout, à l’image passéiste et négative qu’a déjà le secteur minier dans beaucoup de pays européens s’ajoutent les impacts environnementaux des activités d’extraction et de transformation qui risquent de provoquer une opposition des populations locales de grande ampleur. Dans son ouvrage  La ruée minière au XXIème siècle, Celia Izoard rend visibles les contradictions d’une transition écologique bas carbone centrée sur la réouverture des mines.

Si nous avons en effet besoin de protéger nos approvisionnements et peut-être d’ouvrir, en respectant des conditions très strictes, des mines en Europe, la sobriété de nos usages apparaît de façon évidente une des premières réponses à mobiliser.

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, philosophie >>>  Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Le Pourquoi du comment" ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n'osez poser.

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