Nobel d’économie 2022 : qu’apprend-t-on des crises ?

Siège de la Banque centrale européenne (BCE), lors de la conférence de presse du 08/09/2022 ©AFP - DANIEL ROLAND / AFP
Siège de la Banque centrale européenne (BCE), lors de la conférence de presse du 08/09/2022 ©AFP - DANIEL ROLAND / AFP
Siège de la Banque centrale européenne (BCE), lors de la conférence de presse du 08/09/2022 ©AFP - DANIEL ROLAND / AFP
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Avec la remontée des taux directeurs des banques centrales, l’heure de la fin de l’argent facile semble avoir sonné. Un tournant qui s’accompagne de craintes sur la stabilité du secteur financier, rappelant les mécanismes des crises économiques précédentes

Avec
  • Laurence Scialom Professeure d'économie à l'Université Paris Nanterre
  • Jézabel Couppey-Soubeyran Maîtresse de conférences en économie à l’université Paris-I, conseillère scientifique à l’Institut Veblen
  • Christophe Blot Économiste à l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques)

Face à l’inflation, les banques centrales remontent progressivement leurs taux, respectant ainsi le fondement de leurs mandats. Une stratégie qui vise à "freiner" l’économie qui s’emballe en même temps que les prix. L’heure est donc à l’apaisement et à la prévention : désamorcer le risque de bulles, formées alors que le “prix de l’argent” était extrêmement bas, est un des résultats escomptés de ces manœuvres.

Le 10 octobre 2022, le prix Nobel d'économie a été décerné à trois spécialistes des banques et des crises financières, Ben Bernanke, Philip Dybvig et Douglas Diamond, alors que les craintes d'un nouveau krach ressurgissent et que le monde est au bord de la récession, Laurence Scialom le précise "on se trouve aujourd'hui à un moment où, depuis la crise de 2007/2008, les risques financiers systémiques n'ont jamais été aussi grands. Il y a plusieurs sources possibles de risques systémiques et plusieurs segments de la finance qui sont fragiles....par ailleurs les travaux de Ben Bernanke sur la crise de 29 et ses soubresauts dans les années 30, tirent le constat que les paniques bancaires entrainaient l'économie dans la récession. Il a analysé en particulier le rôle du crédit, c'est-à-dire que si les banques sont en mauvaise situation financière, en l'absence d'une parfaite substitution entre l'endettement par émission obligataire et l'endettement par crédit bancaire, c'est tout le système d'intermédiation bancaire qui est altéré et qui pèse sur la croissance". Jezabel Couppey-Soubeyran complète "la principale leçon que Ben Bernanke tire de la lecture de Milton Friedman et Anna Schwartz, c'est que la Banque centrale doit intervenir rapidement et massivement en cas de crise financière, pour alimenter les marchés et les banques en liquidités. Et il va plus loin en expliquant qu'il faut être très vigilant au niveau du canal du crédit, car si on laisse les banques faire faillite et si on interrompt ce circuit du crédit, l'économie est grandement touchée". Par ailleurs, Christophe Blot ajoute "il y eu de fortes critiques sur les politiques non conventionnelles et les politiques de taux zéro qui ont été maintenues par la Banque centrale américaine, la Banque centrale européenne et la Banques d'Angleterre depuis plusieurs années. Il est assez intéressant de voir que Ben Bernanke a réfléchi aux instruments à mettre en place pour essayer de sortir des crises et aux facteurs qui pouvaient les amplifier, mais aujourd'hui la critique c'est de poser la question de savoir si les outils qui ont été utilisés n'ont pas finalement fragilisé le système financier. Et au moment où les taux remontent, on craint un nouveau risque d'instabilité".

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