Macron et l’opinion : un divorce consommé ?

Pancarte brandie lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, Paris, France ©AFP - Sébastien Bozon
Pancarte brandie lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, Paris, France ©AFP - Sébastien Bozon
Pancarte brandie lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, Paris, France ©AFP - Sébastien Bozon
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L’allocution d’Emmanuel Macron ce lundi 17 avril a été décriée pour son incapacité à répondre aux critiques formulées par l’opinion publique et les syndicats face à la crise sociale en cours. Comment le président de la République va t-il tourner la page de ce chapitre politique inédit ?

Avec
  • Astrid Panosyan-Bouvet Députée Renaissance de Paris, membre de la Commission des affaires sociales et co-présidente d’un groupe de réflexion transpartisan “Travail en commun !”
  • Dominique Méda Professeure de sociologie à Paris-Dauphine, Productrice chez France Culture

La crise du travail : un impensé de la réforme des retraites

“Je ne crois pas qu’Emmanuel Macron ait pris la mesure de la très grave crise du travail que traverse la France, sinon il n’aurait pas fait cette réforme”, estime la sociologue du travail Dominique Méda. Elle ajoute : “l'enquête Conditions de travail produite par le Ministère du travail indique qu’en 2019, 37% des actifs occupés pensent ne pas pouvoir tenir dans leur emploi jusqu'à leur retraite". Elle précise : "Ce sont des cadres, des ouvriers, des employés, tout le monde est concerné. Par ailleurs ce sont beaucoup plus des jeunes que des plus vieux, notamment parce que les jeunes entrent sur le marché du travail avec des conditions difficiles”.

La chercheuse note en outre que “la France est en queue de peloton en termes de conditions de travail et des contraintes physiques au travail. Les contraintes physiques représentent une partie des critères de pénibilité qui ont été ôtés en 2017 et qui permettaient de partir plus tôt de l'emploi”. Elle souligne aussi une "moindre autonomie dans le travail et un manque de consultation des Français sur les objectifs qui leurs sont fixés".

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“Valeur-travail” versus “réalité du travail”

La députée Renaissance Astrid Panosyan-Bouvet rappelle que “le travail n'est pas l’emploi : c’est une réalité subjective, intime et collective du travail, le travail qui paye, qui crée du sens et du lien. Cela a été un impensé de la politique économique et sociale ces dernières années", indique t-elle. "Le travail a encore une place centrale dans la vie des Français mais ils ont le sentiment que leur travail n’est pas reconnu et qu’il y a un problème lié au salaire." Elle ajoute : la question de la pénibilité et de l’usure professionnelle est donc au cœur des problématiques et la notion de "valeur du travail" ne l'intègre pas, et confère une dimension moralisatrice au sujet.

"Il y a d'ailleurs une volonté de travailler assez rapidement sur l’accord national interprofessionnel.", souligne alors la députée. "On a enfin parlé de grilles salariales et peut-être des menaces plus concrètes sur la fusion des branches pour les branches qui ont des minimas conventionnels inférieurs au SMIC." Elle souligne également l'existence de deux "packs" : "autour de "France travail", l'organisation autour de l’aide à la recherche d'emploi, et le pack "Travail" qui serait confié à la négociation avec les partenaires sociaux”.

Dominique Méda conteste cependant l'efficacité de la loi Travail comme remède à la très grave crise du travail française. Elle estime qu'il faut "mettre en place un certain nombre de mesures parmi lesquelles : remettre en place la prévention dans les entreprise, sortir de l'optique individuelle de la pénibilité et dresser une liste des métiers pénibles qui entraineront une bonification pour la retraite, mettre sous conditions les aides données aux entreprises et enfin redonner du pouvoir aux salariés".

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