Les "non-banques" vont-elles faire sauter la banque ?

La bourse de Francfort ©AFP - DANIEL ROLAND
La bourse de Francfort ©AFP - DANIEL ROLAND
La bourse de Francfort ©AFP - DANIEL ROLAND
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En septembre 2022, la crise des fonds de pensions britanniques a mis en lumière les risques pris par les intermédiaires financiers non-bancaires. En expansion depuis 2008 grâce à de faibles taux, ce secteur est moins régulé que les banques : menace-t-il l’équilibre du système financier ?

Avec
  • Nessim Aït-Kacimi Journaliste aux Echos, responsable des marchés et de la finance
  • Jézabel Couppey-Soubeyran Maîtresse de conférences en économie à l’université Paris-I, conseillère scientifique à l’Institut Veblen
  • Anne-Laure Frischlander-Jacobson Responsable Europe des Investisseurs Institutionnels de BNY Mellon Investment Management

Le FMI comme la Banque d’Angleterre avant lui et plus récemment la Banque de France ont alerté l’opinion sur le grand défi que sont les non-banques. Mais qu’entend-on parle cette expression ?

Les fonds spéculatifs ou fonds de gestion alternative qui représentent aujourd’hui 48% des actifs financiers mondiaux. Ils financent l’économie au même titre que les établissements bancaires mais ne sont pas soumis aux mêmes réglementations que celles qui ont été renforcées après la crise de 2008. A ce titre, ces intermédiaires financiers non-bancaires sont sous surveillance des grandes institutions nationales et internationales qui craignent que leur intrication avec les grandes banques systémiques fassent prendre des risques supplémentaires au système financier mondial.

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Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Nessim Aït-Kacimi, journaliste aux Echos, responsable des marchés et de la finance ; Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences d’économie à l’université Paris-I et conseillère scientifique à l’Institut Veblen ; Anne-Laure Frischlander-Jacobson, responsable Europe des Investisseurs Institutionnels de BNY Mellon Investment Management.

La diversité des intermédiaires financiers non-bancaires

« On parle d’une finance de l’ombre, non-bancaire, mais très connectée aux banques » explique Jézabel Couppey-Soubeyran, « on la tient en partie responsable de la crise financière, mais a poursuivi son essor après 2008 ». « Ce qui différencie la variété des acteurs, c’est leur degré de prise de risque sur les marchés » précise Nessim Aït Kacimi, qui met en évidence un enjeu majeur du secteur non-bancaire : « il génère de lui-même de l’opacité, qui vient de l'utilisation des paradis fiscaux ». « Tout ce monde-là a disparu » contredit Anne Laure Frischlander-Jacobson, « je n’aime pas le terme de finance de l’ombre, il est connoté négativement : aujourd’hui, on est ultra réglementés ». Elle défend le rôle de ces acteurs financiers : « ils sont là pour prendre le relai des banques dans le financement de l’économie ». Elle voit même « un intérêt général à faire fructifier pour avoir un rendement important car il y a des engagements derrières : payer les retraites, les engagements des assureurs ».

Les risques d’un retournement du cycle financier

« Les banques centrales ont été les béquilles de la finance mondiale » remarque Jézabel Couppey-Soubeyran, « avec la remontée des taux qu’on connaît aujourd’hui : ces fonds qui ont grossi sont en difficulté ». Nessim Aït-Kacimi doute de la fiabilité de ces acteurs : « je ne suis pas sûr que les fonds en question soient en capacité de gérer des phases critiques de hausse des taux : ils vont sûrement revenir vers des politiques d’investissement plus conservatrices ». « Avec des taux plus hauts, on pourra avoir des investissements à risque plus faible » ajoute Anne Laure Frischlander-Jacobson, « mais pas tout de suite, le risque est dans les mouvements brusques parce que la forte hausse des taux va créer une baisse de la valeur de ces engagements de façon brutale : il y a un risque de volatilité sur le marché ».

Banques et non-banques, liens et réglementations

Anne Laure Frischlander-Jacobson explique pourquoi elle considère que les non-banques font déjà face à la réglementation : « quand un investisseur investit dans un fonds, ça va relever de la réglementation propre de ce fonds de pension ou de cet assureur, ses règles de solvabilité vont donc être intégrées par ces fonds d’investissement ». Elle s’inquiète d’une législation qui porterait atteinte au secteur : « après 2008, au niveau des banques, la réglementation les a poussées à se retirer de leur rôle de leur prêteur à l’économie ». Jézabel Couppey-Soubeyran s’insurge : « c’est ce que j’appelle du ‘blablabanques’, un discours de lobbyiste pour empêcher le progrès de la réglementation ». En comparaison avec l’assurance ou la banque traditionnelle, elle observe que l’encadrement est moindre : « quand on entre dans les fonds monétaires et d’investissement, il y a des exigences de transparence, un peu d’exigences de fonds propres, mais fondamentalement, c’est une finance qui est moins réglementée et qui bénéficie implicitement des mêmes garanties que les banques ».

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