Problèmes spécifiques ou prémices d’une crise bancaire systémique ? Telle est la question posée par les faillites bancaires du moment. Pointer les failles de gestion et de contrôle des trois banques régionales américaines (Silicon Valley Bank, Silvergate, Signature) et l’argent sale de Credit Suisse ne doit ni faire oublier le ressort plus global de leurs difficultés ni conduire à surestimer la capacité de résistance des banques européennes. Si les leçons de 2008 avaient réellement été tirées, les banques centrales n’en seraient pas à devoir à nouveau tenter d’éteindre la mèche qu’elles ont elles-même allumée.
Les particularités mises en avant pour expliquer les faillites bancaires du moment masquent mal la fragilité globale qui gagne l’ensemble du secteur bancaire. Certes, l’évolution de l’activité des trois banques régionales américaines a suivi celle des secteurs dans le financement desquels elles s’étaient spécialisées : la tech pour SVB, les cryptoactifs pour Silvergate et Signature. Leurs bilans comptables se sont accrus quand ces secteurs étaient en plein essor, puis se sont contractés avec leur repli. Celui de SVB a quadruplé, celui de Signature a presque triplé au cours des cinq dernières années.
Mais ce mouvement d’expansion-contraction des bilans concerne, en réalité, l’ensemble du secteur bancaire et s’explique surtout par la politique monétaire. Loin d’avoir décliné après la crise financière de 2007-2008, les bilans bancaires ont été gonflés par la liquidité que les banques centrales ont déversée abondamment pour gérer la crise financière puis sanitaire. Dans cette phase, les banques ont accru leurs financements, en particulier les crédits immobiliers, ainsi que des crédits plus à risque auprès d’entreprises déjà fortement endettées, ainsi que leurs achats de titres, publics notamment. Entre 2007 et 2021, les actifs gérés par les banques ont doublé en moyenne dans le monde entier, selon les chiffres du Financial Stability Board (2022). Ceux des autres intermédiaires financiers non bancaires ont partout augmenté, encore plus fortement.
Fragilités accumulées
Mécaniquement, lorsque les banques centrales du monde entier, à peu d’exceptions près, ont commencé à remonter leurs taux directeurs, à réduire leurs prêts de liquidité aux banques et leurs achats de titres sur les marchés, les bilans bancaires ont amorcé une contraction. Et c’est dans cette phase de contraction que les fragilités accumulées pendant la phase d’expansion se révèlent.
Or, il n’y a pas que les modèles d’activité spécialisée des petites banques régionales américaines qui sont fragiles. Ceux, pourtant beaucoup plus diversifiés, des grandes banques européennes le sont aussi. Très tournées vers les marchés de titres et le marché de l’immobilier, elles sont affectées de manière encore plus mécanique par la hausse des taux. Elles sont certes beaucoup plus aguerries que les petites banques à la gestion active de leur bilan sur les marchés de produits dérivés, où elles s’échangent leurs risques et en particulier celui lié aux variations des taux d’intérêt.
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