L'économie face à la nature : vers une transformation écologique de l'économie ?

L'économie face à la nature : vers une transformation écologique de l'économie ? ©Getty - Guido Mieth
L'économie face à la nature : vers une transformation écologique de l'économie ? ©Getty - Guido Mieth
L'économie face à la nature : vers une transformation écologique de l'économie ? ©Getty - Guido Mieth
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Dans "L'économie face à la nature, de la prédation à la coévolution ", les économistes Harold Levrel et Antoine Missemer proposent des pistes de réflexion sur des solutions esquissant les voies d'une transformation vers une économie fondée sur le vivant.

De l’économie prédatrice à une économie de la co-évolution

Du XVIIIe siècle à aujourd’hui, nombreuses sont les réflexions autour de la transformation écologique de l’économie

Au 18e siècle, parmi les penseurs et naturalistes, il y a Carl Von Linné, l'un des grands instigateurs du développement de l’histoire naturelle au XVIIIe siècle. Dans« Economie de la nature », il s'intéresse particulièrement à l’ordonnancement des espèces et des milieux naturels (la façon dont les espèces sont réparties à travers le monde) et d’autre part à l’interaction entre ces espèces et ces milieux. Il y décrit un ordre du vivant où l’humain a sa place, mais en harmonie avec les autres espèces, avec qui il partage le même environnement.

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Harold Levrel et Antoine Missemer dans "L'économie de la nature" précisent que "en organisant rigoureusement le vivant, en standardisant en particulier les appellations de nombreux végétaux, Linné a contribué à la création d’un langage commun entre commerçants sur beaucoup de marchés internationaux : ceux des matières premières et ceux des spécimens naturels qui alimentaient les cabinets de curiosités, très prisés à l’époque. Linné a été, en un sens, un facilitateur des échanges, à la fois pour les denrées de base et pour certains biens de luxe"...

Avec ses étudiants, il essaie aussi d'acclimater des espèces exotiques mais se rend compte que "ses initiatives d’acclimatation n’ont fait que confirmer sa conviction : vouloir se rendre maître des équilibres naturels est rarement couronné de succès.

Au XIXe siècle, il y a des champs de recherche comme le land economics suivi par le land ethic. Le premier porte sur la conservation des ressources naturelles, le gaspillage et les abus  dans l'utilisation des richesses de la nature. C’est à partir des années 1930, en particulier sous la plume de George S. Wehrwein, que l’on trouve les articulations les plus ambitieuses entre économie et écologie au sein du land economics.

Le philosophe Aldo Leopold pense que  la nature a certes un rôle utilitaire dans la satisfaction des besoins humains mais elle a aussi une valeur pour elle-même, une valeur intrinsèque. Le land economics puis le land ethic illustrent tous deux le fait que certains ont cherché à marier analyse économique et savoirs écologiques dès le début du siècle, et ce au moins jusqu’aux années 1940.

Au XXe siècle, à la suite des alertes écologiques des années 1960-1970, une branche de l’économie va s'intéresser à l'écologie : l'économie écologique

Cette branche propose de changer de perspective pour appréhender les interactions entre les systèmes économiques et écologiques, en distinguant deux positions normatives qui conduisent à adopter des propositions scientifiques très différentes : la durabilité faible et la durabilité forte.

Au sein de cette économie écologique, il y a une approche, une théorie coévolutionniste qui vise à décrire les mutations socio-écosystémiques qui touchent le monde, un pays ou une région. Ce sont les interdépendances entre les différents éléments qui produisent des changements dans les rapports entre les systèmes écologiques et économiques.

Comment repenser la nature et sa valeur dans une ère  fortement industrialisée et prédatrice ? La comptabilité « en nature » pour remplacer la monnaie et le revenu de base universel ! Neurath affirme que sa comptabilité « en nature » est la meilleure solution en optant pour une pluralité d’indicateurs et d’unités de mesure, afin de confronter les raisonnements économiques à l’hétérogénéité des réalités matérielles. Josef Popper-Lynkeus, lui, évoque la distribution d’un revenu de base, universel, prenant la forme d’un panier de biens et services élémentaires – nourriture, vêtements, chauffage, etc. – permettant à chacun, quelle que soit sa condition, de vivre dignement.

Le XXIe siècle est le théâtre d’une multitude d’atteintes à l’environnement naturel, de l’intensification du changement climatique à l’érosion de la biodiversité… Que critiquent les institutionnalistes ? La société de consommation ! L'économiste américain Kenneth Galbraith développe une vision de la consommation comme fruit de stratégies orchestrées par les entreprises produisant biens et services et souligne que la génération de besoins nouveaux par les forces industrielles suscite des gaspillages et de l’obsolescence programmée, encourage la consommation à tout prix et fait fi des limites de l’environnement naturel.

Comment sortir de la croissance destructrice ?

Il y a la prospérité sans croissance de Jackson  et son  modèle (intitulé LowGrowSFC) visant à décrire une trajectoire de développement écologiquement, socialement et économiquement soutenable , la décroissance, et aussi l'économie de la coévolution. Pour Antoine Missemer et Harold Levrel  « l'économie de la coévolution», est  une économie où les interdépendances entre activités humaines et dynamiques naturelles sont placées au cœur des modes de production et de consommation, où les êtres humains agissent par et pour le vivant en sélectionnant les innovations institutionnelles, techniques ou organisationnelles les plus adaptées à cet objectif. De là est appelée à naître une nouvelle prospérité, où ce qui compte n’est plus tant la richesse matérielle qu’une cohabitation durable – nécessitant des compromis – entre toutes les composantes de la biosphère."

Avec Harold Levrel, professeur d’économie écologique à AgroParisTech, et chercheur au Cired et Antoine Missemer est chargé de recherche en économie au CNRS et au CIRED - Centre international de recherche sur l'environnement et le développement. Ils sont tous deux auteurs de "L’économie face à la nature. De la prédation à la coévolution" (Les Petits Matins).

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