L’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur est une « occasion manquée » en matière environnementale et sanitaire. C’est la conclusion sévère du rapport de la commission d’experts formée par l’ancien premier ministre Edouard Philippe, auquel Le Monde a eu accès, pour évaluer l’impact de l’accord de libre-échange sur le développement durable. Signé à l’été 2019 après vingt ans de négociation, il doit encore être ratifié par chaque Etat membre de l’UE et le Parlement européen avant d’être mis en œuvre.
Dans le document de 194 pages, qui doit être remis vendredi 18 septembre au premier ministre, Jean Castex, l’hypothèse la plus probable retenue par les experts est celle d’une déforestation à un rythme annuel de 5 % pendant les six années suivant la mise en application de l’accord, soit un total de 700 000 hectares. Autrement dit, le coût environnemental mesuré à partir des émissions supplémentaires de CO2, à un coût unitaire de 250 dollars la tonne, serait plus élevé que les bénéfices économiques.
La commission fonde ses calculs sur la déforestation provoquée principalement par la création de pâturages pour augmenter la production de bœuf dans les quatre pays du Mercosur : le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. L’élevage de bœuf y est en effet, bien souvent, la première étape de la déforestation avant de laisser place aux cultures agricoles.
Impact « difficile à quantifier »
Le bilan carbone de la production d’un kilo de bœuf est aussi trois fois supérieur en Amérique latine par rapport à l’Europe, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette hypothèse est toutefois loin de faire le consensus dans la commission, qui rassemblait un représentant de la filière bovine, des économistes, un vétérinaire ou encore un spécialiste du droit. Pour certains, le coût environnemental est largement sous-estimé, car le rapport ne prend pas en compte d’autres vecteurs de la déforestation comme la culture de soja, celle du maïs, ou encore l’élevage de volailles.
« Il est beaucoup plus difficile de quantifier leur impact sur la biodiversité », justifie Stefan Ambec, économiste de l’environnement à la Toulouse School of Economics et président de la commission. D’autres estiment au contraire que l’impact a été surestimé, si l’on retient l’hypothèse d’une faible augmentation des exportations de bœuf à destination de l’Union européenne, ou encore d’une intensification de l’élevage qui permette d’éviter la création de nouveaux pâturages. La baisse des droits de douane prévue dans l’accord ne concerne qu’un contingent de 99 000 tonnes de viande de bœuf, alors que la production du Mercosur s’élève à 8 millions de tonnes.
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