La Banque centrale européenne (BCE) passe des mots à l’action climatique. Son tableau de bord a commencé à verdir avec la publication, le 24 janvier, de tout un ensemble d’indicateurs climatiques. C’est peu face à l’urgence climatique, mais beaucoup comparé au « climatomutisme » de la Réserve fédérale américaine ou à la lenteur des Etats à tenir leurs engagements climatiques. Alors que son tour de vis monétaire se poursuit et rend le financement plus cher, la BCE ne veut pas devenir le bouc émissaire des retards de la transition écologique.
Ce sont d’ailleurs les termes employés deux semaines plus tôt, le 10 janvier, par Isabel Schnabel, membre du directoire et du Conseil des gouverneurs de la BCE, où se décide la politique monétaire de l’ensemble des pays de la zone euro : « Il serait trompeur d’utiliser des taux d’intérêt plus élevés comme bouc émissaire d’un nouveau retard dans la transition verte. »
Ce discours, qui tente de réconcilier la politique monétaire actuelle de la BCE et la lutte contre le changement climatique, mérite bien une exégèse.
Les Etats montrés du doigt
D’abord, parce qu’à travers deux néologismes construits sur le modèle de la stagflation, « climateflation » et « fossilflation », la BCE reconnaît la part structurelle d’inflation. Alors que, le plus souvent, le lien de causalité entre lutte contre le dérèglement climatique et inflation est ignoré ou inversé (en attribuant un effet inflationniste à la transition, la « greenflation »), ce sont ici, au contraire, les pressions inflationnistes persistantes causées par le dérèglement climatique et notre dépendance aux énergies fossiles qui sont soulignées par ce discours. C’est sans doute la meilleure des façons de justifier l’action climatique de la banque centrale, car celle-ci devient de ce fait une condition du rétablissement de la stabilité des prix, cœur du mandat de l’institution de Francfort. De quoi convaincre ceux qui douteraient encore du fait que la politique monétaire a quelque chose à voir avec le climat…
Ensuite, la BCE convient qu’en contrepartie de son indépendance elle a des comptes à rendre et des explications à donner sur sa ligne de conduite. C’est important pour sa légitimité démocratique. Toutefois, son discours affirme, plus qu’il n’explique, le bien-fondé de l’orientation actuelle de sa politique monétaire et souligne la responsabilité des Etats – plus que la sienne – dans ce qui freine la transition écologique : ces derniers ne mettent pas assez vite en œuvre leurs engagements climatiques et continuent de subventionner le fossile quand il faudrait investir massivement dans le vert.
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