Faut-il tuer le Ceta? Les arguments des "pro" et des "anti"

De retour au Parlement jeudi pour un vote à hauts risques au Sénat, l'accord Ceta de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada voit s'opposer farouches opposants et soutiens inconditionnels, sept ans après son application sans ratification française.

Voici un tour d'horizon des principaux sujets de discorde autour de cet accord controversé appliqué provisoirement depuis 2017.

- Les échanges ont-ils augmenté?

Parmi les principaux arguments en faveur du Comprehensive Economic Trade Agreement, ou Ceta, le gouvernement argue que le traité a permis d'augmenter de 33% les exportations françaises vers le Canada entre 2017 et 2023 grâce à la chute des barrières tarifaires.

"La progression peut sembler importante, mais elle est assez similaire à l'évolution de l'ensemble du commerce extérieur français", tempère le cabinet Asterès, qui a calculé une hausse de 35% des exportations et de 42% des importations françaises totales entre 2016 et 2023.

Parmi les secteurs français ayant le plus profité de ces nouvelles règles pour exporter davantage figurent l'agroalimentaire, les vins et spiritueux et les fromages, rapporte la Direction générale du Trésor, mais aussi les produits pharmaceutiques, sidérurgiques et textiles.

Le Canada a surtout exporté depuis sept ans vers l'Europe et la France des matériaux de transports, du pétrole, ainsi que des minerais tels que l'uranium et le lithium, essentiels pour la transition climatique.

- Les agriculteurs en ont-ils profité?

Les vendeurs de boissons et les producteurs laitiers français, en particulier, ont vu leurs excédents augmenter: de 475 millions à 591 millions d'euros pour les premiers et de 37 millions à 59 millions pour les seconds ces six dernières années, selon les chiffres du gouvernement.

L'excédent commercial des filières agricoles et agroalimentaires a été multiplié par trois, selon ces mêmes chiffres.

Les éleveurs bovins européens semblent aussi profiter de l'accord: ils ont exporté l'an dernier 14.000 tonnes de boeuf contre 1.700 tonnes en 2016, avant l'application de l'accord, selon les statistiques de l'office de recherche Boeuf Canada, dont 407 tonnes de boeuf français.

- La viande est-elle moins sûre?

Les éleveurs et les ONG sont malgré tout vent debout contre un traité qui autorise des quotas pour une viande non soumise aux mêmes critères sanitaires, et sans avoir assorti le texte de clauses de protection.

En tout état de cause, le boeuf canadien n'a pour l'instant pas déferlé sur l'Europe: l'UE a importé 1.360 tonnes l'an dernier contre 340 tonnes en 2016, et la France moins de 30 tonnes en 2023, bien loin des exportations de boeuf européen.

Sur la protection des consommateurs, "il n'y a pas de clauses dans l'accord mais il y a des mesures miroirs dans la législation européenne et française qui nous permettent d'éviter que nous importions du boeuf aux hormones ou du boeuf qui soit élevé avec des antibiotiques", dit à l'AFP le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester.

Sur les antibiotiques activateurs de croissance, les associations et ONG s'inquiètent du risque de les voir malgré tout dans les assiettes européennes, d'autant qu'une mesure prise sur le sujet dans l'UE "a été assez largement vidée de son contenu" regrette auprès de l'AFP Mathilde Dupré, codirectrice de l'institut Veblen et autrice en janvier d'un bilan critique du Ceta.

Plusieurs audits européens ont par ailleurs mis en évidence le manque de garanties que les exportations de viandes canadiennes soient dénuées d'hormones de croissance malgré l'interdiction européenne, ajoute-t-elle.

- Le climat est-il sacrifié?

"L'ADN de l'accord est incompatible avec les accords de Paris", affirme Mathilde Dupré pour qui le traité a d'abord permis de dynamiser le commerce sur des produits polluants à l'instar des véhicules et des hydrocarbures.

Déjà en 2017, un rapport d'experts nommés par le gouvernement français pointait le "manque d'ambition" du texte de 2.300 pages, assorties d'"aucun engagement contraignant" en matière climatique.

"On pourrait supprimer le pétrole mais on en a encore besoin", grince une source proche du ministre, estimant qu'il est indispensable de diversifier les approvisionnements énergétiques et miniers européens au moment où la Russie, traditionnel pourvoyeur d'hydrocarbures, n'est plus une alliée.

"Les mines c'est moins polluant dans des pays démocratiques que dans d'autres pays sans contrôles", ajoute-t-elle.

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