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80% des jeunes salariés du secteur pétrolier et gazier prêts à se reconvertir

Conflit en Ukraine, crise des prix de l'énergie, impact environnemental et climatique, le secteur du pétrole et du gaz se retrouve sous le feu des projecteurs. Une enquête inédite pointe les inquiétudes des travailleurs français de la filière et leur envie de se reconvertir dans les énergies renouvelables.

En France, les effectifs des entreprises parapétrolières et paragazières ont chuté de 47% entre 2015 et 2021.
En France, les effectifs des entreprises parapétrolières et paragazières ont chuté de 47% entre 2015 et 2021. (Getty Images)

Par Corinne Dillenseger

Publié le 7 mars 2022 à 17:50Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

Comment les salariés de l'industrie française du pétrole et du gaz réagissent-ils face à la succession de crises qui frappe le secteur ? C'est ce qu'ont voulu analyser Les Amis de la Terre, l'Institut Rousseau et l'Institut Veblen en interrogeant 266 personnes en majorité des cadres et des ingénieurs, travaillant soit dans une entreprise parapétrolière ou paragazière (Technip, Axens, Trapil…), soit dans des entreprises de production et de fourniture d'énergie ( TotalEnergies , Engie…).

Depuis une dizaine d'années, l'activité du secteur pétro-gazier français joue au yoyo, tributaire de la conjoncture économique et des tensions géopolitiques. Et la pandémie due au Covid est loin d'avoir arrangé les choses. Conséquence : ​En France, les effectifs des entreprises parapétrolières et paragazières sont en constante baisse depuis 2015, rappelle l'étude. Alors qu'ils étaient encore 48.600 avant la pandémie, on ne compte plus que 32.000 emplois en 2021, soit une chute de 34 % entre 2018 et 2021 et de 47 % depuis 2015.

« La crise est devant nous »

Face à ce contexte, les salariés de la filière ne sont pas dupes. Si 71 % d'entre eux ont bien conscience que leur industrie est en pleine crise, ils sont près de huit sur dix à estimer que les difficultés existaient bien avant le Covid. Ils avancent plusieurs raisons : la priorité donnée à la rentabilité à court terme, la concurrence des énergies renouvelables et du nucléaire, ou encore le manque d'anticipation de leur entreprise face à la transition énergétique.

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« La crise est devant nous, estime même un ingénieur en raffinage-pétrochimie cité dans l'étude, qui rappelons-le a été menée en 2021 et ne tient donc pas compte de l'impact de l' invasion russe en Ukraine . On fait des annonces, des discours, de la communication, mais tout le secteur traîne des pieds. Plus on retarde le changement, plus celui-ci sera abrupt ».

Conscients du dérèglement climatique

95 % des répondants considèrent le changement climatique comme un problème pour l'avenir du secteur. Cette prise de conscience est totale chez les jeunes salariés : 100 % des moins de 25 ans et 99 % des 25-35 ans jugent le problème sérieux ou très sérieux. La moitié de ces derniers estiment que leur entreprise pense comme eux, alors que leurs aînés (61 %) s'affirment plus dubitatifs.

In fine, la menace que font peser le changement climatique et les politiques menées pour lutter contre celui-ci est diversement appréciée : 45 % sont inquiets contre 48 % qui ne le sont pas. La crainte est plus forte chez les employés, les ouvriers et les salariés les plus âgés que chez les cadres, et chez les jeunes.

Prêts à se reconvertir…

Une large majorité (79 %) de salariés se dit prête à se reconvertir dans un autre domaine que le secteur pétrolier ou gazier. C'est en particulier le cas pour les moins de 35 ans (8 jeunes sur 10), les 35-50 ans (84 %) et ceux qui affichent moins de 5 ans d'ancienneté (85 %). Les commerciaux et les ingénieurs sont les candidats à la reconversion les plus nombreux.

« L'envie de se reconvertir n'est pas uniquement liée à une insatisfaction vis-à-vis des conditions de travail, pointent les auteurs du rapport. Il n'existe par ailleurs pas de corrélation entre le degré de satisfaction quant aux perspectives d'emploi dans son entreprise, ni sur le fait de sentir son emploi menacé ». Les raisons d'une reconversion semblent davantage liées à l'envie d'exercer un travail utile et qui ait du sens pour soi ou pour la société (75 %).

… dans un autre secteur de l'énergie

La géothermie (59 % des répondants), la capture et le stockage de carbone (53 %), l'éolien en mer (50 %) sont les trois domaines qui attirent le plus les candidats à la reconversion. L'éolien terrestre, le renforcement des réseaux électriques, le photovoltaïque et les technologies liées aux batteries sont moins appréciés.

Les trois domaines privilégiés sont aussi ceux qui correspondent aux activités de diversification des entreprises du secteur pétro-gazier. « Ce qui expliquerait une plus grande facilité à s'y projeter », nuancent les auteurs de l'enquête. A titre d'exemple, TotalEnergies financera cette année des projets d'énergies renouvelables à hauteur de 7 milliards de dollars , et s'est engagé à recruter 700 jeunes, dont la moitié sur des métiers liés à la transition énergétique.

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Pour autant, seuls 48 % des personnes interrogées estiment pouvoir mener cette reconversion au sein de leur entreprise actuelle. C'est le cas en particulier des salariés travaillant dans le raffinage et la pétrochimie : ingénieurs, commerciaux, managers de projets, personnel administratif et personnes de la R & D et de l'innovation. A contrario, 43 % des répondants pensent qu'il faudra quitter leur entreprise. En tête, les employés et les ouvriers.

L'appel à l'Etat

Confortées par ces résultats, les trois associations initiatrices de cette enquête appellent les pouvoirs publics à jouer un rôle central « pour ne pas laisser les seuls intérêts privés guider la transition » et à y impliquer les travailleurs « pour ne pas les laisser sur le carreau ». Une table ronde sera organisée à Paris fin mars par les rédacteurs du rapport avec des acteurs du secteur pétrolier et gazier afin d'engager un débat dans ce sens.

Corinne Dillenseger

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