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Viandes brésiliennes aux hormones, graines de sésame au pesticide : le rapport qui propose des solutions
La viande aux hormones, interdite en Europe, peut prendre se retrouver dans nos assiettes grâce aux importations
Photo by Milena Boniek / AltoPress / PhotoAlto via AFP

Viandes brésiliennes aux hormones, graines de sésame au pesticide : le rapport qui propose des solutions

Info Marianne

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Le rapport conjoint du Think Tank de la Fondation Nicolas Hulot, INTERBEV et l’Institut Veblen dénonce l’inaction de l’Europe dans la lutte contre l'importation d’aliments issus de pratiques interdites en Europe, favorisée par les accords de libre-échange.

Et si demain les termes « crises sanitaires » n'évoquaient plus le Covid mais les problématiques alimentaires ? Le scénario se dessine à la lecture du rapport que la fondation Hulot s'apprête à publier ce vendredi 26 mars. Réalisé avec Interbev (Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes) et l’institut Veblen, l'intitulé est sans équivoque : « Mondialisation : Comment stopper l'importation d’aliments issus de pratiques interdites en Europe ? ». Le sous-titre, lui, promet des solutions : « Un règlement européen pour protéger l’environnement et nos agriculteurs ». Ça tombe bien, la France devrait prendre la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022.

L’actualité récente montre que l’alerte n’est pas sans objet. Le scandale des graines de sésame importées d’Inde contaminées à l’oxyde d'éthylène, un pesticide cancérigène, est passé un peu sous les radars. Il y a pourtant de quoi s'inquiéter. Le polluant est en effet interdit en Europe alors qu'il est présent dans ces graines jusqu'à 3 500 fois la limite LMR (limite maximale de résidus). Près de 5 000 références ont été retirées. L'enquête de la DGCCRF (La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) assure que le problème date au moins de 2018. L'administration en a identifié sur des herbes, du curcuma, etc. made in India.

Et enfin, pire que tout, l’Inde ne serait pas la seule à nous exporter des produits gavés d’oxyde d'éthylène : la pratique est quasi généralisée pour les graines de sésame. Le labo de la DGCCRF en a trouvé venant de Chine, du Vietnam, de Jordanie, du Burkina Faso, de Colombie, etc.

Des pesticides dans l'assiette

Cet exemple repris par la Fondation Hulot, n’est pas le seul. Mais « Tout se passe comme si les autorités [européennes] considéraient qu’une fois que le produit a été interdit en Europe, il ne pouvait plus se trouver dans les assiettes des consommateurs » note le sénateur LR Laurent Duplomb, auteur d’un rapport sur le sujet.

Les travaux que nous avons pu consulter se penchent également sur le cas de la lentille canadienne qui envahit nos assiettes grâce à un prix hypercompétitif. Problème : cette compétitivité s’obtient par l’utilisation de pesticides, comme le Sencoral ou le glyphosate interdits pour les exploitants de ce côté-ci de l’Atlantique.

Obligations sanitaires : deux poids, deux mesures

C’est bien cette « dichotomie des normes délétère, entre les standards européens et les produits importés par le Vieux Continent » qui est au cœur du rapport. Elle est d’autant plus prégnante qu’avec la multiplication des accords de libres-échanges comme celui avec le Mercosur, ou le Ceta avec le Canada, deux grandes puissances agricoles, nos importations vont continuer à croître à un rythme élevé. Déjà entre 2005 et 2019 les denrées agricoles et alimentaires entrant dans l’Union ont augmenté de 28 %.

Cosignataire du rapport, la patte d’Interbev, l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes, se lit dans la dizaine de pages consacrée à l’élevage et à la mise en concurrence déloyale de l’élevage européen. On y trouve du lourd, voire du très lourd, déjà pointé par les éleveurs et les défenseurs de l'environnement lors des étranges négociations qui précèdent ordinairement la signature des accords de libres-échanges. Alors que notre zone s’impose de nombreuses réglementations en matière d’alimentation, de traçabilité et de bien-être animal, « seule la réglementation interdisant le recours aux hormones de croissance s’applique à ce jour aux produits animaux importés », note le rapport. Bref, la porte est ouverte aux retours des farines animales dans nos assiettes, et de la compétitivité acquise grâce à des conditions d’élevage proscrites en Europe.

Des "mesures miroirs" pour se protéger

Dès lors, comment assurer un revenu décent aux agriculteurs européens ? Cette condition est pourtant nécessaire, mais sans doute pas suffisante, pour qu’à un horizon de 15 ans soit assurée cette souveraineté alimentaire, tant raillée et remise sur le devant de la scène depuis la crise du Covid.

Le rapport égraine ses propositions dans sa troisième partie. Elles se fondent sur la stratégie des « mesures miroirs ». Déjà introduites en France dans la loi EGALIM, elles posent le principe d’interdiction des importations ne respectant pas les normes de l’UE. Outre le fait que cette arme « mesures miroirs » n’a jamais été dégainée par le gouvernement, sa portée est faible puisqu'il est loisible de procéder à des importations via d’autres pays de l’Union et de contourner l’interdiction. Il s’agit donc de les imposer au plan européen.
Voici, celles identifiées par le rapport :

- Interdiction de la mise sur le marché européen de denrées alimentaires traitées avec des substances non approuvées par le Règlement Pesticides ;

- Pas de dérogations sur l’usage de ces substances dangereuses pour la santé ou l’environnement ;

- Interdiction de la production, du stockage, de la circulation et de la vente de ces substances ;

- Renforcement des contrôles sur les denrées alimentaires ;

- Interdiction de mise sur le marché de produits issus d’animaux traités avec des produits vétérinaires ou nourris avec des aliments non autorisés, ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité ;

- Interdiction de mise sur le marché de produits issus d’animaux dont il n’est pas attesté qu’ils ont bénéficié de certaines conditions minimales en matière de bien-être animal.

Reste un coin aveugle du rapport. Les problèmes sont aussi intra européens. En 2017, 17 % des importations françaises de denrées carnées de nos partenaires de l’UE embarquaient au moins une irrégularité.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne