Un rapport de l’association Communication et démocratie et de l’Institut Veblen, s’appuyant sur une étude universitaire, montre les impacts économiques très concrets des dépenses de publicité en France. Celles-ci ont conduit à une hausse de la consommation mais aussi à une hausse des heures travaillées pour pouvoir y faire face. Les auteurs appellent à taxer davantage les gros annonceurs, mais aussi à interdire la publicité aux produits à très forte empreinte carbone, et à réformer la régulation du secteur.

Jusqu’ici, l’impact des dépenses de publicité sur la consommation était, au mieux, vaguement pressenti, au pire ignoré. Mais un nouveau rapport de l’association Communication et démocratie et de l’Institut Veblen, s’appuyant sur une étude universitaire, montre les impacts économiques très concrets des dépenses de communication commerciale en France, qui s’élèvent à environ 30 milliards d’euros en moyenne par an depuis 2003, soit l’équivalent des investissements en recherche et développement. Selon ces travaux, le niveau de communication commerciale a conduit à une augmentation cumulée de la consommation de 5,3 % entre 1992 et 2019.
"Longtemps, il n’y a pas eu de débat parce qu’on considérait la publicité comme simplement informative, ayant pour seul effet une répartition des parts de marché entre les annonceurs, analyse Mathilde Dupré, économiste, codirectrice de l’Institut Veblen et co-auteure du rapport. Mais plusieurs études ont révélé sa fonction persuasive. La hausse de 5% peut paraître faible mais comme nous sommes sur des agrégats très importants, c’est en réalité assez significatif".

Obsolescence marketing ou psychologique


Elle met en avant le concept "d’obsolescence marketing ou psychologique" pratiquée par les annonceurs en augmentant le sentiment d’insatisfaction des particuliers par rapport à leur niveau actuel de consommation. "Par le biais de la publicité, les marques parviennent à nous convaincre de changer certains produits qui très souvent fonctionnent encore", ajoute la spécialiste. Selon l’Ademe, par exemple, 88 % des téléphones sont remplacés alors qu’ils fonctionnent encore en France.
Cette consommation additionnelle a un coût pour le consommateur. Sur la période 1992-2019, les activités de communication commerciale sont ainsi à l’origine d’une augmentation du nombre total d’heures travaillées d’environ 6,6%. "Ce n’est pas un modèle qui fait rêver car cette augmentation du temps de travail pour assouvir la hausse de la consommation se fait au détriment du temps de loisir mais aussi de la planète", résume Mathilde Dupré.
Les dépenses de publicité se concentrent en effet sur un nombre restreint de produits généralement très carbonés ou néfastes pour l’environnement comme les SUV, les voyages en avion, les fast-foods … La consommation des ménages pèse ainsi lourdement dans les émissions de gaz à effet de serre de la France. En 2020, l’empreinte carbone moyenne d’un Français était de 8,2 tonnes de CO2 équivalent. Or, pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris, il faudrait être autour de 2 tonnes de CO2 équivalent en moyenne par an et par habitant.

Une taxe à 8% pour les plus gros annonceurs


Dès lors, la régulation de la publicité apparaît comme un levier indispensable dans la lutte contre le changement climatique. Cela a d’ailleurs été mentionné par le Giec (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), dans son rapport d’avril 2022. Il évoquait explicitement le rôle de la publicité dans les dynamiques de consommation et recommandait sa régulation. La loi Climat et résilience de 2021, issue des propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui avait largement contribué à mettre le sujet en haut de l’agenda, prévoit certaines mesures.
Parmi les décisions les plus symboliques, il y a l’interdiction depuis le 1er juillet de communiquer sur les énergies fossiles (essence, fioul, charbon) avec une exemption pour le gaz, le pouvoir octroyé au maire d’encadrer les écrans publicitaires dans les vitrines ou encore le "Oui pub" affiché sur les boîtes aux lettres qui se substitue au "Stop pub" pour contrer les prospectus publicitaires. D’ici 2028, toute publicité sera aussi interdite sur les véhicules les plus polluants.
Mais pour Mathilde Dupré, il s’agit d’accélérer, notamment dans le cadre de la planification écologique. Elle propose notamment la mise en place d’une taxe à 8 % sur les dépenses publicitaires des grands annonceurs. Les secteurs particulièrement bénéfiques à la transition écologique, tels que le réemploi, le bio ou les énergies renouvelables, en seraient exemptés. Elle recommande aussi d’interdire la publicité aux produits à très forte empreinte carbone, au même titre que les cigarettes. Et enfin, la mise en place d’une autorité indépendante de régulation de la publicité, aujourd’hui assurée par des organismes contrôlés par la profession elle-même. 
Concepcion Alvarez @conce1

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