Après de longues années de bataille, l’Union européenne se libère enfin du Traité sur la charte de l’énergie, un texte qui pesait comme une épée de Damoclès sur les politiques climatiques des pays.

Dans la dernière ligne droite avant les élections européennes, les eurodéputés ont adopté ce mercredi 24 avril le retrait coordonné de l’UE du traité international sur la Charte de l’Energie (TCE), un texte qui agit comme une épée de Damoclès sur la transition énergétique du continent et qui coûte extrêmement cher.

Une victoire qui est “le fruit de plus de 5 années d’efforts et de travail en collectif !”, se réjouit sur Linkedin Mathilde Dupré, co-directrice au sein de l’institut Veblen. De nombreuses organisations comme le collectif national stop Mercosur ou l’association Les Amis de la terre se réjouissent également de cette adoption. “Le vote d’aujourd’hui prouve que le pouvoir des citoyens peut l’emporter, même sur celui des multinationales. Après des années de campagne, nous avons réussi à enlever l’épée de Damoclès du TCE qui menaçait les objectifs climatiques des gouvernements de l’UE”, réagit Paul de Clerck, spécialiste des questions commerciales aux Amis de la Terre Europe.

La France est déjà sortie du TCE

Le TCE est un accord signé en 1994, à la sortie de la guerre froide, par une cinquantaine de pays dont l’Union européenne, les pays de l’ancien bloc soviétique, le Japon ou encore l’Afghanistan. Il donne la possibilité aux multinationales et aux investisseurs d’attaquer en justice les gouvernements dès lors que ces derniers modifient leurs politiques énergétiques : que ce soit en abandonnant les énergies fossiles, mais aussi en réduisant par exemple les subventions aux énergies renouvelables.

Fin 2022, après des années de mobilisation citoyenne, une vague de pays dont la France, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne, l’Allemagne, la Slovénie, le Luxembourg, le Danemark et le Portugal, avaient annoncé leur décision de se retirer unilatéralement du traité, qui faisait l’objet d’une modernisation depuis 2018. Face à cette fronde, la Commission européenne s’était résignée à proposer une sortie coordonnée de l’UE du TCE en juillet 2023. Mais depuis, les négociations étaient enlisées au sein du Conseil de l’UE.

Début mars, un accord avait finalement été trouvé. Les Etats membres avaient alors franchi une étape importante en approuvant ce texte de compromis qui actait la sortie de l’UE tout en permettant aux Etats membres qui le souhaitent de rester dans le TCE. Le vote des eurodéputés ce jour sera suivi d’un dernier feu vert du Conseil de l’UE en mai ou en juin, avant la fin de la présidence belge.

“S’engouffrer dans la brèche ?”

Ce vote “est un signal collectif, un vrai poids politique qui renforce notre feuille de route climatique”, a indiqué à l’AFP l’eurodéputé Renew (libéraux) Christophe Grudler, rapporteur du texte. Certes, tous les pays restent concernés par la “clause de survie” du TCE, qui protège encore 20 ans, même après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité. Mais ce retrait concerté peut contribuer à dissuader les poursuites au sein de l’UE, estime Christophe Grudler.

Dans le cadre du TCE, on relève 150 réclamations avec 115 milliards d’euros de compensations demandées, et près de 43 milliards accordés. La France a elle aussi été poursuivie pour la première fois début septembre 2022 par le producteur d’énergie renouvelable allemand Encavis AG pour avoir modifié ses tarifs de rachat sur le photovoltaïque. Un contentieux qui suit son cours malgré le retrait de la France du TCE.

Face à cette victoire, qui n’était “pas gagnée d’avance”, comme le rappelle Maxime Combes, les militants veulent aller plus loin. L’économiste, membre du réseau Attac, appelle ainsi à “s’engouffrer dans la brèche, en ne ratifiant pas le CETA, qui comporte un dispositif similaire au TCE d’arbitrage investisseur-Etats (ISDS), en protégeant les investisseurs étrangers des politiques de transition énergétique et climatique. Chiche ?”

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