Le 14 mars 2023, le huitième bureau de l’Assemblée nationale était étroit pour accueillir tous les participants à l’évènement. Interbev, la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) et l’institut Veblen sont venus présenter leur étude d’impact des accords avec le Mercosur. Autour du député de La France Insoumise François Ruffin, des députés de tous bords, des associations paysannes d’Amérique du Sud et Christiane Lambert de la FNSEA ont aussi exposé leurs craintes en cas de ratification.

L’environnement en péril

Lorsqu’il s’agit d’évoquer les impacts des accords, le volet environnemental apparaît très vite. Le rapport prévoit par exemple que la hausse des exportations vers l’Europe ferait augmenter la déforestation dans le Mercosur de 5 à 25 % par an au cours des six premières années d’application (des chiffres de la commission Ambec, commission indépendante mandatée par le président de la République en 2019). Et pour les pesticides, il est rappelé que 30 % des substances utilisées au Brésil sont interdites dans l'Union européenne (UE).

« Cet accord favorise les exportations de pesticides interdits d’usage dans l'Union européenne vers les pays du Mercosur et en échange, nous importerons des produits qui ont été traités avec ces pesticides interdits », a souligné Mathilde Dupré, économiste et codirectrice de l’institut Veblen. Elle ajoute que les perspectives ne sont guère plus reluisantes en élevage où « des antibiotiques sont utilisés en routine comme stimulateur de croissance et le système de traçabilité ne concerne que les 40 derniers jours avant abattage », s’alarme-t-elle.

La réunion permettait aussi de percevoir l’inquiétude qui règne sur ces questions de l’autre côté de l’Atlantique. « Nous paysans, nous n’utilisons pas de pesticides. Ceux qui en utilisent sont de l’agronégoce et ils le font sur nos territoires. Nous ne savons même pas ce qu’il y a dans cet accord, nous aimerions comprendre par qui et pour qui il est fait », témoigne Katia Penha, membre de la communauté quilombola brésilienne.

Un danger pour l’élevage et le plan protéines

L’étude d’Interbev, de la FNH et de l’institut Veblen appuie aussi sur ce qui attend les filières d’élevage en Europe. Un total de 99 000 tonnes-équivalent carcasse de viande passera les frontières à tarif réduit de 7,5 % qu’il faudra ajouter aux 66 000 tonnes déjà incluses dans le contingent Hilton et qui bénéficieraient désormais aussi du même tarif.

Le soja du Mercosur sera également privilégié mais cette fois-ci grâce aux taxes à l’exportation appliquées par certains de ses membres à origine qui seront supprimées. Un tacle dans la course à l’autonomie protéique européenne pour les rédacteurs du rapport.

Vigilance sur le processus de ratification

Des expériences comme celle avec le Ceta ont beaucoup refroidi les instances européennes quand il s’agit de faire passer un accord. Le rapport s’est donc aussi arrêté sur la stratégie de la Commission européenne qui chercherait à isoler la partie commerciale des accords pour contourner le passage devant les parlements nationaux et éviter le véto des États au Conseil. Le député de la majorité Pascal Lavergne s’en est d’ailleurs ému. « Nous sommes contre ce découpage qui laisserait le peuple français sans voix sur un sujet d’importance fondamentale », a-t-il prévenu.

Un plébiscite pour les clauses miroirs

La publication du rapport et la présentation furent l’occasion pour les députés réunis de jeter des bases communes à une proposition de résolution qui devrait être présentée à l’Assemblée nationale. Et si « chacun est venu avec sa sensibilité », comme le député François Ruffin l’a indiqué en préambule, tous s’accordent sur l’inclusion au minimum de clauses miroirs, si accord il y a. « Je suis favorable au libre-échange, mais pas n’importe comment. Il faut subordonner cet accord à nos valeurs et à nos engagements par des clauses miroirs qui sont indispensables », a appuyé Pascal Lecamp du Modem.

En phase avec un rapport qui préconise de « développer des mesures miroirs en matière environnementale et sanitaire en amont de la mise en œuvre des accords commerciaux afin de remédier aux différentiels de normes entre l’UE et ses partenaires commerciaux ». Le député Frédéric Descrozaille, lui aussi de la majorité, va lui plus loin. « Dans ces accords, l’agriculture ne peut faire partie d’un échange global et éventuellement devenir une monnaie d’échange » , a-t-il tranché. La balle est désormais dans le camp de la Commission européenne.