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Paris maintient son opposition à l'accord commercial UE-Mercosur

Suite aux conclusions critiques du rapport de la commission d'évaluation sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, remis vendredi au Premier ministre, le gouvernement français a réitéré son opposition à l'accord.

La déforestation pourrait s'accélérer annuellement d'environ 5 % si l'accord UE-Mercosur voit le jour.
La déforestation pourrait s'accélérer annuellement d'environ 5 % si l'accord UE-Mercosur voit le jour. (Eduardo Martino/PANOS-REA)

Par Richard Hiault

Publié le 18 sept. 2020 à 11:16Mis à jour le 18 sept. 2020 à 16:00

La France ne veut pas, en l'état, de l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les pays du Mercosur. Le gouvernement a annoncé, vendredi, sa décision après la remise du rapport de la commission d'évaluation indépendante mandatée en juillet 2019 par Edouard Philippe. « Le gouvernement en conclut que ces éléments confortent la position de la France de s'opposer au projet d'accord d'association en l'état. Il nous appartient donc désormais d'élaborer, en concertation étroite avec nos partenaires européens et avec la Commission européenne dans un premier temps, puis avec les pays du Mercosur dans un deuxième temps, les réponses à apporter à ces préoccupations environnementales, en particulier en matière de déforestation », indique-t-il.

Les dix experts de la commission ont en effet mis en exergue les nombreuses failles de l'accord. C'est une « occasion ratée ». Que ce soit sur le plan environnemental, sanitaire et sociétal, le texte d'accord conclu l'an passé au terme de vingt ans de négociations entre l'Union européenne et les pays du Mercosur révèle de nombreux manques. C'est le constat dressé par Stefan Ambec, président de cette commission d'évaluation. L'accord est avant tout un traité commercial. Sa mise en oeuvre aura des effets contrastés, entre les gagnants - essentiellement l'industrie (automobile) et les services, ainsi que les vins et fromages - et les perdants - volaille, viande bovine, miel et éthanol.

Nombreuses failles

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Si Stefan Ambec concède des avancées sur le plan de la reconnaissance des normes européennes et des indications géographiques ou encore l'ouverture des marchés publics, il n'en alerte pas moins sur le risque de déforestation. Au regard de la hausse probable des exportations de viande bovine vers l'Europe, « nous risquons de voir une augmentation de 5 % par an sur six ans de la déforestation liée au développement des fermes d'élevage et des pâturages », a-t-il indiqué jeudi lors d'un briefing organisé par l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Et d'ajouter que « le bilan carbone de la production de viande bovine est trois fois plus élevé en Amérique latine qu'en Europe ».

Normes de production différentes

Les manquements ne s'arrêtent pas là. Jean-Luc Angot, président de l'académie des sciences vétérinaires, membre de la commission, souligne d'importantes différences entre les deux blocs. L'accord ne pose que des conditions relatives à l'absence d'hormone dans la viande. « C'est peu. Que ce soit sur les résidus de pesticide, les farines animales ou encore le bien-être animal, les pays du Mercosur n'ont pas les mêmes normes de productions qu'en Europe ».

« Les instances de dialogue dans les domaines du sanitaire, du bien-être animal, des biotechnologies et de la résistance microbienne - dont la mise en place est louable par principe - sont peu contraignantes », pointe également le rapport. Face au risque d'une hausse des importations de viande bovine, la commission juge que les clauses de sauvegarde ne sont pas suffisamment claires. Il importe aussi de mieux déterminer quels sont les seuils de « perturbations graves des marchés », et d'améliorer la traçabilité et l'étiquetage, alerte Stefan Ambec.

Peu contraignant sur le climat

Côté lutte contre le réchauffement climatique, l'accord ne prévoit « aucune mesure effective pour la mise en oeuvre des engagements ». « Seul un mécanisme de dialogue spécifique est prévu. C'est mieux que rien, mais il s'agit là encore d'une occasion manquée », souligne la commission.

Certes, l'accord de libre-échange ne devrait pas occasionner une hausse trop importante des émissions de gaz à effet de serre, indique Stefan Ambec. Les émissions supplémentaires seraient comprises entre 4,7 et 6,8 millions de tonnes équivalent CO2. « Ce résultat notable reste toutefois limité au regard des bénéfices économiques. Le solde entre les gains économiques et les coûts climatiques calculés est positif. En revanche, la prise en compte du risque de déforestation renverse cette conclusion », pointe le rapport.

La Fondation Nicolas Hulot et l'Institut Veblen ont appelé jeudi solennellement la France à exiger l'abandon pur et simple de l'accord, craignant une catastrophe environnementale.

Ils estiment en outre que la déforestation ne serait pas de 5 % mais de 25 %.

Richard Hiault

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