Paris: Official dinner on the sidelines of the New Global Financial Pact Summit

Sommet UE /Etats d’Amérique latine et Caraïbe : quel futur pour l’accord de libre-échange avec le Mercosur ?

Les pays de l’Union européenne et de la CELAC (Etats d’Amérique latine et des Caraïbes) se réunissent ces 17 et 18 juillet, à Bruxelles, pour renforcer la coopération entre les deux continents. En parallèle, ce premier sommet depuis 2015 pourrait être l’occasion de relancer l’accord de libre-échange avec le Mercosur.
Henri Clavier

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Malgré une entente trouvée en 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay), après plus de vingt ans de négociations, la conclusion de l’accord de libre-échange reste bloquée. Le Brésil et l’Espagne, qui assument respectivement la présidence du Mercosur et du conseil de l’Union européenne, souhaitent saisir cette occasion pour donner une nouvelle impulsion aux négociations. Si la Commission européenne se montre très favorable à la conclusion de cet accord, plusieurs membres dont la France ont exprimé leur opposition à la ratification du traité tant qu’il ne respecterait pas les normes environnementales européennes. L’accord prévoit une suppression progressive des droits de douane entre l’UE et le Mercosur qui touchera principalement les produits alimentaires et agricoles. Le Mercosur est notamment le premier exportateur vers l’Europe de soja, de bœuf et de volailles.

Le sommet UE/ CELAC et la rédaction d’une « déclaration additionnelle »

Après une tournée en Amérique du Sud de la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen, et les visites en Europe du président du Brésil, Lula, le sommet UE / CELAC apparaît comme une échéance propice à l’avancée des négociations. « Au niveau politique, il y a une volonté de profiter de ce sommet pour accélérer les discussions qui restaient très difficiles notamment au niveau technique. Côté européen, on pousse pour intégrer des normes environnementales équivalentes à celles de l’Union européenne tandis que le Mercosur ne veut pas prendre le risque de voir ces normes déstabiliser son environnement économique. Lors de sa visite en France, Lula a été assez critique sur l’accord redoutant son impact sur le marché brésilien », explique Mathilde Dupré, économiste et co-directrice de l’Institut Veblen.

Si les négociations informelles doivent se poursuivre dans le cadre du sommet, une déclaration commune sur le sujet semble moins probable. En effet, chaque partie essaye de faire avancer sa position puisque « l’Union européenne voulait faire une déclaration additionnelle dans le texte final du sommet avec une partie sur le changement climatique. Ce projet de déclaration additionnelle a fuité, mais il a été refusé, le Mercosur estimait qu’il n’était pas assez précis. Le Mercosur a aussi proposé une version alternative ». Pour l’heure la situation reste bloquée et « le draft des déclarations du sommet UE / CELAC qui ont fuité ne contient pas vraiment de dispositions sur l’accord UE / Mercosur », précise Mathilde Dupré.

« Il y a deux inconnues majeures, la déclaration additionnelle et la forme de l’accord »

Même en cas d’avancées sur l’accord de libre-échange à l’issue du sommet, une ratification reste lointaine. « Il y a deux inconnues majeures, la déclaration additionnelle et la forme de l’accord. Actuellement, c’est un accord qui porte sur les compétences partagées entre l’Union européenne et les Etats membres, ce qui implique que le contenu soit validé par les parlements des Etats membres. Les accords commerciaux relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne et peuvent être directement ratifiés par les institutions européennes », analyse Mathilde Dupré.

Déjà à l’origine du blocage, le Parlement français pourrait de nouveau faire obstacle. L’Assemblée nationale a adopté à une large majorité, le 13 juin, une résolution s’opposant à la conclusion de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur. Une position partagée par le Sénat où la majorité sénatoriale a également déposé une résolution hostile à la version actuelle de l’accord. Présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas (LR) souhaite « une pause dans les accords de libre-échange, tant que leur impact cumulé n’aura pas été dûment évalué, secteur par secteur ».

Le Parlement contourné ?

Pour éviter cet écueil, la Commission européenne pourrait opter pour la division de l’accord. Une ligne rouge pour la sénatrice Anne-Catherine Loisier (UC) qui redoute « la pratique de la Commission européenne consistant à découper les accords commerciaux pour isoler les dispositions relevant de sa compétence exclusive de celles relevant d’une compétence partagée avec les États membres ». Une solution très sérieusement envisagée par la Commission européenne pas vraiment encline à ce que chaque Parlement national puisse bloquer la conclusion de l’accord. Si Sophie Primas exige « de soupeser davantage nos décisions et d’obtenir des garanties plus solides pour nos agriculteurs », la Commission européenne ne semble pas aligner sur cet impératif de transparence. « Une opacité aussi importante est difficilement acceptable et crée forcément des difficultés de ratification dans les Etats membres. On présente des accords qui ne sont pas négociables, à prendre ou à laisser, le mandat de négociation n’a jamais été rendu public », rappelle Mathilde Dupré.

 « La France doit insister pour que cette cohérence entre toutes les politiques européennes soit assurée »

Favorable au principe d’un accord commercial avec le Mercosur, le gouvernement français a freiné la ratification de l’accord et identifié trois lignes rouges, la déforestation, le respect des accords de Paris et la réciprocité des normes environnementales et sanitaires aussi appelées clauses miroirs. En effet, l’existence de normes environnementales peu contraignantes, comme au Brésil, interpelle quant à la cohérence de l’action de l’Union européenne en la matière. Alors que l’Union européenne vise la réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, un partenariat commercial avec le Mercosur portant principalement sur l’agriculture pourrait contrarier la crédibilité des engagements européens. « La France doit insister pour que cette cohérence entre toutes les politiques européennes soit assurée, en restant ferme dans la négociation avec le Mercosur d’un instrument additionnel sans lequel un accord serait inadmissible », juge Jean-François Rapin (LR), président de la commission des affaires européennes du Sénat.

Sur la déforestation, la conclusion de l’accord pourrait contredire les derniers engagements européens en la matière avec l’adoption récente d’un règlement européen interdisant la déforestation importée. Les dispositions permettent d’exclure du marché européen des produits alimentaires issus de la déforestation. Une nouvelle contradiction d’après Mathilde Dupré qui estime que « le règlement n’a pas encore fait ses preuves. Mais actuellement il y a un élément clair, l’accord commercial encourage la productivité dans le Mercosur, donc on crée aussi les conditions d’un accroissement de la déforestation ».

 

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