L’ex directrice générale du FMI a pris les rênes de la Banque centrale européenne le 1er novembre. À contre-pied des missions de l’institution, elle affiche ses ambitions en faveur de l’action climatique. Un article de notre partenaire Ouest France.
Mario Draghi ne lui avait pas encore passé le témoin que déjà Christine Lagarde prenait un engagement fort : « verdir » l’action de la Banque centrale européenne (BCE). C’était en septembre dernier, lors de son audition devant le Parlement européen.
« La route va être longue »
Venant de celle qui a ajouté l’objectif climatique à l’agenda du Fonds monétaire international, l’annonce était attendue. Elle n’en reste pas moins ambitieuse : « la route va être longue, prévient Anna Creti, directrice de la chaire Économie du climat à l’université Paris Dauphine. Pour œuvrer en ce sens, la BCE devra engager un rapport de force avec certains pays. Ceux dont l’économie est la plus carbonée, et qui ont tout intérêt à freiner les investissements verts. »
Today we welcome Christine @Lagarde as the new ECB President. We wish her all the best for her eight-year term of office. pic.twitter.com/5wYqx0iGVG
— European Central Bank (@ecb) November 1, 2019
Des outils à disposition
Pour autant, Christine Lagarde ne partira pas de zéro. L’institution de Francfort a déjà entamé un virage écologique avec, pour principal outil, son programme de rachat de dettes publiques et privées, surnommé « quantitative easing ». Pour simplifier, en favorisant le rachat d’obligations vertes, la BCE serait en mesure de soutenir le financement d’activités peu polluantes, en Europe et dans le reste du monde.
Réponses très importantes de @Lagarde sur le climat: la lutte pour le climat fait partie du mandat de la #BCE, les « choses devront changer », la BCE devra « progressivement éliminer » les titres financiers des entreprises polluantes qu’elle détient dans son bilan.
— Pascal Canfin (@pcanfin) September 4, 2019
63 % de titres émetteurs de gaz à effet de serre
Mais beaucoup reste à faire. Selon les estimations de l’institut Veblen et de l’ONG Positive Money, 63 % des titres achetés dans le cadre de cette politique auraient financé « des entreprises opérant dans les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre ». L’extraction d’énergies fossiles ou le secteur automobile par exemple. Lucide, Mme Lagarde reconnaît que concernant « la taille des actifs carbonés dans le bilan de la BCE, les choses ne peuvent changer du jour au lendemain ».
La stabilité de l’économie avant tout
Outre la volonté, il y a aussi la faisabilité. « Se désengager brutalement de ces secteurs risque de déstabiliser l’économie dans son ensemble, analyse Anna Creti. Derrière les obligations de Total, il y a toute une filière, il y a des emplois. » Or, assurer la stabilité de l’économie dans son ensemble, au travers de la maîtrise de l’inflation, c’est bien la mission première de la BCE. Reste à savoir si cette prérogative peut se conjuguer avec la lutte contre le changement climatique. Christine Lagarde dispose d’un mandat de huit ans pour y parvenir.