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Etude : Un traité transatlantique à quel prix pour les PME ?

Par Mathilde Dupré

11 novembre 2015

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En marge de l’ouverture à Miami du XIème round de négociations du TTIP entre l’Union européenne et les États-Unis, l’Institut Veblen publie une étude intitulée « Un accord transatlantique à quel prix pour les PME ? », dans laquelle il dresse un bilan des effets attendus pour les PME françaises et européennes et les économies locales.

Que pensent les PME du TTIP ?

Dans le face à face animé qui oppose promoteurs et détracteurs de ce partenariat de commerce et d’investissement, la voix des PME n’est pas facile à entendre. Alors que dans plusieurs pays européens (Allemagne, Belgique, Autriche notamment) des entrepreneurs et des associations de PME se sont alarmées des risques que le TTIP pourrait faire courir à leurs activités, les PME françaises s’expriment très peu sur le sujet.

L’UCM (union des classes moyennes) en Belgique, association wallonne et bruxelloise de défense, de représentation et de promotion des indépendants et la BVMW (Bundesverband Mittelständische Wirtschaft), principale association allemande de PME qui regroupe 270 000 membres ont ainsi critiqué ouvertement plusieurs volets du traité (en particulier le mécanisme de règlement des différends, la coopération réglementaire et les risques d’affaiblissement des normes notamment alimentaires et d’abandon du principe de précaution). Et un appel a été lancé par des entrepreneurs autrichiens et allemands pour demander l’abandon des négociations, et qui réunit à ce jour plus de 2500 soutiens. (cf. www.kmu-gegen-ttip.at/ et www.kmu-gegen-ttip.de/)

Combien de PME seraient concernées par les bénéfices du TTIP ?

Les avantages commerciaux (baisses tarifaires et harmonisation des normes) profiteront certainement aux 0,7% des PME françaises et européennes qui exportent vers les États-Unis. Mais la valeur des biens et services exportés par ces dernières représente moins de 2% de la valeur ajoutée produite par l’ensemble des PME. Quid des effets pour les 99,3 % des PME qui n’exportent pas transatlantique ?

Quels impacts macro économiques ?

La croissance du PIB fait partie de l’argumentaire avancé par les promoteurs des négociations. Si les effets du futur TTIP peuvent bien sûr varier d’un secteur à l’autre, les résultats macro économiques les plus optimistes des études d’impact utilisées par la Commission européenne relatives font état de gains de croissance très faibles sur le long terme (soit 0,05% par an pour les dix prochaines années). Une étude alternative de l’université Tufts prévoit au contraire une diminution des exportations et du PIB européen (-1,19% et -0,48% respectivement pour la France sur dix ans).

Quels risques pour les PME ?

L’érosion anticipée du commerce intra européen et avec d’autres pays tiers générée par l’afflux de produits et services bon marché en provenance des États-Unis pourrait déstabiliser la majorité des PME européennes dont les activités ciblent principalement les marchés domestiques et voisins. L’Union européenne est en effet la destination privilégiée des exportations des PME françaises avec 66% des flux.
Plusieurs études annoncent ainsi une substitution des flux intra européens par des flux transatlantiques ainsi qu’une baisse des échanges avec des pays proches de l’UE et certains pays émergents. Selon l’étude de la fondation Bertelsmann, les flux commerciaux entre la France et l’Allemagne pourraient ainsi diminuer d’environ 23% et de 36 % entre la Grande-Bretagne et la France. Par ailleurs, les échanges entre l’Union européenne et ses pays voisins (Maroc, Tunisie, Algérie, Égypte, Russie et Biélorussie) seront aussi réduits ainsi qu’entre les États membres et la Chine (-28% pour la Grande-Bretagne et -13% pour l’Allemagne).

Par ailleurs, les dispositions relatives au règlement des différends et à la coopération réglementaire - desquelles les PME resteront largement exclues de l’avis de plusieurs associations de PME - pourraient contribuer à accroître le poids des entreprises multinationales dans le processus de définition des politiques publiques. Or rien ne permet d’assurer que les intérêts des PME convergent avec ceux des grands groupes qui s’expriment au nom du secteur privé. Enfin, la faiblesse des discussions sur les règles de responsabilité sociale, fiscale et environnementale risque d’alimenter une concurrence déloyale entre les grands groupes en capacité de localiser avantageusement chacune de leurs activités dans les pays les moins disant au niveau mondial et les PME qui sont tenues de respecter des règles nationales plus exigeantes.

En l’absence de toute étude d’impact approfondie sur les activités de l’ensemble des PME, quel crédit apporter à la campagne de promotion des bénéfices du TTIP pour les PME à laquelle se livrent la Commission européenne et le gouvernement américain depuis près d’un an ?

L’étude met en avant plusieurs propositions et insiste en particulier sur la nécessité de mieux identifier et mesurer les multiples effets d’un futur accord sur les PME qui représentent 58% de la valeur ajoutée brute produite en Europe et 67% des emplois.

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