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Demande d’arrêt des négociations du TTIP par la France : le projet d’accord est-il définitivement abandonné ?

Mathilde Dupré, 30 août 2016

30/08/2016 – Suite aux déclarations du Ministre allemand de l’Économie sur l’échec des discussions sur le TTIP, la France a annoncé aujourd’hui son intention de demander l’interruption des négociations. Elle devra néanmoins trouver des alliés pour obtenir un retrait du mandat de négociation de la Commission européenne dans les prochaines semaines. Ce revirement ne concerne paradoxalement pas l’autre traité transatlantique sur le point d’être ratifié, le CETA, entre l’UE et le Canada.

Le Secrétaire d’État au commerce, Matthias Fekl, a annoncé ce matin que la France allait demander fin septembre l’arrêt « pur et simple » des négociations du TTIP. Cette demande sera formulée lors du Sommet de Bratislava des 22 et 23 septembre prochains au cours duquel il était prévu de tirer un bilan de l’état d’avancement des négociations et d’échanger sur l’adoption de l’autre accord transatlantique entre l’UE et le Canada, intitulé CETA.
Pour obtenir le retrait du mandat de négociation, d’autres pays devront soutenir la demande de la France. En effet, comme le précisait Matthias Fekl, lors d’une interview, la Commission pourrait parfaitement continuer à négocier sans le soutien de Paris à ce projet d’accord.
Après plus d’un an de critiques sévères de la part du gouvernement sur le processus de négociation, ce dernier cherche à traduire maintenant ses discours en actes. Il est encore trop tôt pour évaluer s’il parviendra à stopper véritablement les négociations en trouvant des alliés pour retirer le mandat de la Commission. Un mandat qui avait été selon Jean Claude Juncker reconfirmé par l’ensemble des pays membres juste avant l’été.

Le Secrétaire d’État a insisté sur le caractère "net et définitif" de l’arrêt des négociations qui sera demandé par la France. Il a néanmoins précisé que l’objectif est de pouvoir relancer plus tard des négociations sur de meilleurs bases, avec une meilleure prise en compte des questions environnementales, sociales et des défis pour les PME.

Mais le grand paradoxe de la position française reste néanmoins son soutien réitéré à l’accord conclu entre le Canada et l’UE, à l’instar du Ministre allemand de l’économie Sigmar Gabriel. Le CETA contient pourtant plusieurs ingrédients similaires au TTIP, jugés nocifs pour la démocratie et la qualité des normes sociales, environnementales, sanitaires, financières ou culturelles tels que le règlement des différends entre investisseurs et États, la coopération réglementaire, l’ouverture des marchés des services par liste négative ou la faiblesse des chapitres développement durable. Si le CETA était adopté, 80 % des entreprises étasuniennes opérant en Europe pourraient par exemple avoir recours à l’arbitrage d’investissement pour attaquer les États européens via leurs filiales canadiennes quand elles s’estiment lésés par des politiques publiques.
L’adoption de ce deuxième traité devrait démarrer rapidement avec un vote au conseil prévu pour l’instant en octobre et un examen par le parlement européen dans la foulée. Le CETA serait alors mis en œuvre provisoirement, dès 2017, avant même un éventuel vote dans les parlements nationaux*.

Contact : Mathilde Dupré, Institut Veblen, dupre chez veblen-institute.org, 06 77 70 49 55

Note aux rédactions  :

* En Juillet, la Commission a cédé à la demande d’États membres comme la France et l’Allemagne sur le caractère mixte du CETA. En conséquence, le traité devrait être aussi ratifié par les parlements nationaux, mais seulement après sa mise en œuvre provisoire. Néanmoins, la Commission européenne a indiqué qu’il s’agit d’une décision purement politique et qu’elle continue de considérer que le traité n’est juridiquement pas mixte. Elle se réserve donc le droit de revoir la procédure de ratification si la Cour de Justice de l’UE déclarait qu’un autre accord sur laquelle elle est interrogée entre Singapour et l’UE n’était pas mixte. Dans ce cas, les parlements nationaux ne seraient pas consultés sur le CETA.

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